Saya Zamuraï

/Fable élégiaque sur le courage et la difficulté d’affronter ses propres béances, le nouveau film du japonais Hitoshi Matsumoto, SAYA ZAMURAÏ, joint le poétique au divertissant.

Kanjuro Nomi (Takkaaki Nomi, superbe acteur amateur) n’est plus qu’une ombre tremblante. Désarmé, mutique, pareil à une proie traquée, il subit les invectives de sa fille Tae (Sea Kumada), échappe de justesse à des tueurs fantasques, et dispose de trente jours pour rendre le sourire au fils d’un puissant chef de clan (le légendaire Jun Kunimura) s’il ne veut pas subir le seppuku (suicide par éventration).

Malgré les difficultés, Nomi ne veut pas mourir ; et plus encore, il refuse le déshonneur. Alors chaque nuit, au fond de sa cellule, il déborde d’inventivité, confectionnant des tours capables de faire rire l’enfant. Se jeter dans un cercle en flammes à demi-nu, avaler des pâtes par le nez…opiniâtre jusqu’à l’absurde.
Victime, supplicié, il remplit ces « travaux de 30 jours » à la manière d’un « Hercule made in Japan ». Sans arme, à la seule force de la farce, il renverse le cours des choses. Ses geôliers, les villageois, sa fille : les opposants se font complices, les obstacles des tremplins.

Si la critique d’un monde abruti par son obsession du divertissement s’entrevoit, elle n’obstrue jamais le déroulement de la fiction. Grâce à une mise en scène avare en effet de manches, austère et maîtrisée, le film reste lointain de toute ostentation et de tout manichéisme. Peu de musique, peu de mots, peu d’effets spéciaux. Seuls les éclairages naturels, l’éloquence des silences et la puissance évocatrice des gestes suffisent à rendre éclatants les antagonismes et l’ineptie de la situation.

Hitoshi Matsumoto (Symbol, Big Man Japan),  – qui soit dit en passant officiait un temps à la télévision – dépeint un Japon uchronique pas vraiment éloigné de nos contrées occidentales. Jeux du cirque, société du spectacle, le constat dépasse les frontières.
Et la formule popularisée par Guy Debord demeure d’actualité. Mais à la différence du situationniste, le réalisateur opte pour la poésie des clair obscurs et la légèreté du sourire, pour évoquer notre obsession commune du trivial et du dérisoire. Et notre capacité aussi, de conquérir sans arme au poing, notre destinée.

Guillaume Blacherois

Sortie le 9 mai.

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