De l’enregistrement studio à la prestation scénique, le duo Avisshai Cohen-Nitai Hershkovitz offre un moment de partage musical rare, où virtuosité et complicité s’unissent sans jamais se heurter.
Il y a d’abord une rencontre. Un face-à-face complice entre deux musiciens surdoués. Avishai Cohen, contrebassiste, pianiste, chanteur, célébré dans le monde du jazz depuis plus de 15 ans, protégé de Chick Corea. Et Nitai Hershkovitz, 24 ans seulement, mais déjà riche d’un jeu pianistique si coloré qu’il semble avoir déjà plusieurs décennies de carrière derrière lui.
L’album Duende, paru en mai dernier chez EMI, est le fruit de cette rencontre. 9 titres, épurés, dialogue sensible entre deux voix, deux musiciens, deux instruments. Mélange de compositions originales de Cohen et de relectures de standards (« Central Park West » de Coltrane ; « Criss Cross » de Thelonious Monk ; « All of you » de Cole Porter…), Duende s’écoute d’un trait, dense et pourtant limpide.
Tout au long de l’écoute, l’oreille guette le surgissement. Le « duende », expression hispanique intraduisible qui renvoie à la tradition du flamenco, exprime cette magie, cet indicible capable de surgir à n’importe quel moment.
L’alchimie déjà palpable en studio, se décuple en live. Venu présenter leur album au Café de la Danse ce jeudi 28 juin, le duo a en effet offert aux quelques 500 personnes de l’auditoire un concert fulgurant.
Au creux d’une salle moite, digne des cabarets jazz de Saint Germain des Prés décrits par Vian et Sartre, les deux musiciens n’ont pas simplement exécuté leurs morceaux (excepté les deux premiers) : ils les ont modelés, infléchis ,de sorte à ce que chacun puisse trouver son espace, sa bulle de liberté. Échanges de regards, sourires admiratifs (Cohen avoue à plusieurs reprises son amour pour le jeu de son complice), les égos se complètent, s’additionnent, créant le temps de la représentation, un monde idyllique où seule la musique et le partage importent.
Il est rare de voir tant de virtuosité au service d’une expression sensible. Trop souvent, les musiciens techniquement experts s’enferment, s’isolent dans leurs débits de notes et leurs déluges de vélocité. Ici, au contraire, la technique n’est jamais un horizon indépassable. Cohen manie sa contrebasse, la percute, la bouscule, la pousse jusque dans ses retranchements comme Hershkovitz avale son clavier, le caresse, lui impose son rythme, le colore de mille influences.
Swing, bossa nova, be bop, chants yiddish, touches arabisantes… Les cloisons ordinaires, les frontières imbéciles : le duo sabote ces hermétismes trop communément admis, les explose, démontrant au passage, avec classe et sobriété, la force de la musique, cette capacité de fédérer toutes les conditions sociales, toutes les couleurs, toutes les croyances.
Ah, si l’existence pouvait être un long concert d’Avishai Cohen et Nitai Hershkovitz !!!!
Duende , Avishai Cohen with Nitai Hershkovitz. Sortie mondiale le 21 mai 2012, EMI.
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