Nouvelle production de Jean-Michel Olivier, cet Après l’orgie entend dresser une nouvelle critique de la société du spectacle et du consumérisme. Mais quid de la littérature ?
En cette (toujours) pléthorique rentrée littéraire, nombre d’écrivains ont des « choses à dire ». Olivier en est un. Et c’est bien là que le bât blesse.
En exergue de ce texte estampillé « roman », une citation de Baudrillard, tirée de La Transparence du Mal. Essai sur les phénomènes extrêmes :
Ce fut une orgie totale, de réel, de rationnel,
de sexuel, de critique et d’anti-critique, de
croissance et de crise de croissance. Nous avons
parcouru tous les chemins de la production et
de la surproduction virtuelle d’objets, de signes,
de messages, d’idéologies, de plaisirs.
Aujourd’hui, tout est libéré, les jeux sont faits et
nous nous retrouvons collectivement devant la
question cruciale : Que faire après l’orgie ?
Le sujet, le dialogue entre un psychanalyste et sa patiente métisse sino-américaine, est inspiré de la réflexion de Baudrillard. Les situations abracadabrantes d’une anti-héroïne girovague et face à elle le faux viatique d’une modernité qui n’en finit plus de pourrir : la psychanalyse, ne parviennent pas à convaincre le lecteur de l’intérêt d’un tel dialogue mené sur 234 pages.
Ming, 25 ans, née à Shanghai et sœur d’Adam dans L’Amour nègre (précédent roman de l’auteur). Enfant, elle a été adoptée par un couple d’acteurs américains. Elle a connu la vie facile aux États-Unis, mais aussi l’exil en Suisse. Elle vient le consulter pour aller mieux, avouer ce qu’elle a sur la conscience. Mais raconte-t-elle la vérité ? Toute la vérité ?
Dans la seconde moitié du livre, Ming vit en Italie. Elle évolue dans le milieu des trois idoles actuelles : celui de la mode, puis de la télévision, puis de la politique. Elle devient l’égérie d’un couturier (Jim Terby), puis d’un chef de gouvernement (Papi).
Tout cela a un petit goût de déjà-vu… On retrouve en filigrane toutes ces têtes d’affiches données en pâture par la presse à la populace avide de scandales.
Les fêtes de ces clowns, pitoyables et tristes du consumérisme… On les voit à New-York ou à Monaco, enrichis par la société du spectacle ou par celle du crime organisé… Riches à milliards… Et après ? Baudruches vides !
Faut-il encore retrouver ce qui s’étale, crade, sur les couvertures des magazines « people » dans les romans ?
L’ultra-réalité, jusqu’à l’obscène, l’ultra-moderne solitude, critique de la société du spectacle, du zapping, de la vitesse…. La société de la confusion des genres et des esprits… D’autres l’ont fustigé avant J-M. Olivier, et avec plus de talent, Debord, Nabe ou Murray… Et avant eux encore, de grandes voix comme celle d’un Bernanos.
Pour s’ériger en miroir de la post-modernité et pour l’éreinter le cas échéant, il faut un talent prophétique, et non dérouler un simple récit en miroir promené le long des trottoirs d’Hollywood et de Shangaï jusqu’au cabinet d’un psychanalyste. Faute d’un talent démiurgique, un tel texte ne peut qu’être ravalé au rang du voyeurisme qui s’étale chaque jours dans les pages « pipoles ».
L’enjeu est ailleurs que dans les tristes destins individuels, aussi courageuse soit la quête pour sortir de la dictature de l’image esquissée dans cet Après l’orgie. L’enjeu est culturel, à l’heure du relativisme où la culture ne se définit plus et ne définit plus.
Que faire après le reflet de tant de vacuité ?
Relire Montaigne ou La Boétie. Saint-Simon ou même Baudrillard.
Après L’orgie, Jean-Michel Olivier, Ed. de Fallois, l’Âge d’Homme, 234 p., 18€.
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