« Music divine, proceeding from above, Whose sacred subject oftentimes is Love. »
C’est par cette pièce de Thomas Tomkins, compositeur gallois qui fut l’élève de William Byrd et le contemporain de William Shakespeare dans une Angleterre en pleine Renaissance, qu’a commencé le dernier concert des Voix Animées qui est venu clore à l’abbaye du Thoronet le cycle « entre pierres et mer ».
À l’origine des Voix animées, il y a la mezzo Laurence Recchia et le baryton Luc Coadou à l’impressionnante carrière et qui assure également la direction musicale de l’ensemble. Nées en 2008, les Voix Animées réunissent de jeunes chanteurs diplômés qui interprètent des répertoires a capella pouvant aller jusqu’à huit voix. L’église de l’abbaye cistercienne du Thoronet est un lieu idéal pour ce genre de formations et un des lieux les plus étonnants en lesquels ait chanté Luc Coadou car, dit-il, l’acoustique y est sans cesse différente et varie selon le temps, l’heure du jour et la présence du public, si bien qu’ayant chanté de nombreuses fois dans ce lieu, c’est une nouvelle surprise à chaque représentation et un inévitable effort d’adaptation au début de chaque concert. Celui de dimanche soir fut un grand succès avec un répertoire alternant airs sacrés et profanes comme cela se faisait à l’époque de ces grands compositeurs que sont Byrd, Tomkins, Alonso Lobo, Josquin des Près ou Henry VIII dont la pièce Pastime with good company, justement placée au mitan du récital, révèle assez bien les questionnements des hommes cultivés de cette époque si riche et intéressante et les préoccupations de ces grands monarques passionnés d’arts, de guerres et de tout ce qui, nourrissant leur insatiable appétit physique, trouvait aussi à nourrir leur esprit. Ainsi Henry VIII, concurrent au sens noble du terme (étymologiquement, celui qui court avec) de François Ier et Charles Quint, se révèle-t-il aussi fin lettré que compositeur et, dirions-nous aujourd’hui, philosophe (Montaigne n’est pas très loin) : « J’aime passer le temps en bonne compagnie et il en sera jusqu’à ma mort, / Si Dieu est satisfait je ferai ainsi, / (…) La compagnie est bonne et mauvaise chose à la fois, / Mais tout homme en a le libre choix, / Poursuivre le meilleur, Fuir le pire, Tel sera mon dessein, / Cultiver la vertu, Refuser le vice, Ainsi me comporterai-je ? ».
Ces pièces sont trop rarement données, regrette Luc Coadou qui nous promet pour la saison prochaine une des 104 messes composées par Palestrina qui, lui aussi, mériterait d’être mieux connu. Et, bien entendu, lorsque ces airs sont servis par de si belles voix dans un lieu aussi pur que l’église de l’abbaye cistercienne du Thoronet fondée au XIIe siècle et qui, par ses lignes simples et épurées, sa pierre rose et claire, n’a rien à envier à celle plus célèbre de Sénanque, on ne peut qu’être sous le charme et espérer revenir la saison prochaine.
En attendant, Luc Coadou qui mène bien d’autres projets nous confiait que la soprano Angèle Chemin allait bientôt chanter le Pierrot lunaire de Schoenberg et nous faisait remarquer au passage qu’il est plus facile pour les chanteurs lyriques de passer du répertoire baroque au répertoire moderne qu’au répertoire classique ou romantique, la musique de l’époque moderne étant plus proche de celle de la Renaissance que de celle des XVIIIe et XIXe siècle, pour aller un peu vite, ce qui n’est pas si étonnant si l’on songe aux ponts qu’ont créé de la même manière les mouvements artistiques littéraires et picturaux d’avant-garde au XXe siècle avec l’époque médiévale et d’autres époques plus lointaines encore. Quant à Alice Glaie, nous pourrons entendre sa très belle voix de soprano dans la Passion selon Saint-Jean de Bach donnée à l’église Saint-Germain-des-Prés vendredi 24 mai dans le cadre du Concert Etranger de Itay Jedlin.
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