Projet de loi Fioraso : lettre aux Parlementaires

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Projet de loi Fioraso : l’université française doit parler français !
Dites non à l’abrogation de fait de notre loi Toubon, par l’article 2 du projet de loi de Madame Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

CultureMag donne la parole à Albert Salon.

Par Albert Salon*

Mesdames, Messieurs les Parlementaires

Le 22 mai au Parlement doit s’ouvrir le débat sur le projet de loi présenté par Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR).

Au nom des associations de promotion du français, j’ai l’honneur d’attirer à nouveau votre attention toute particulière sur l’article 2 dudit projet de loi.

Par nos associations comme par les réactions qu’il a suscitées en France et hors de nos frontières, vous savez déjà pourquoi il nous paraît, dans nos universités et grandes écoles d’abord, vider en fait de sa substance la législation française de protection de la langue de la République, en violation effective d’un autre article 2, celui de la Constitution qui dispose : « La langue de la République est le français ».

Il n’irait plus de soi qu’en France les établissements publics de formation enseignent en français.

Il s’agirait là, maintenant, d’un changement voulu, discret mais radical.

Nos associations de promotion du français et de la Francophonie ont réagi toutes ensemble. Sept d’entre elles, lors d’un entretien du 16 octobre 2012 au MESR, avaient déjà été édifiées par le peu de cas fait devant elles de la loi Toubon. Elles avaient, du reste, été invitées à présenter, comme à un juge, une sorte de « mémoire en défense ». Elles ont alors élaboré et signé le Mémoire « Sciences et langue française » ci-joint, très solidement argumenté, parvenu au ministère donneur d’ordre juste avant la découverte, en janvier 2013, de ce qui était alors l’avant-projet de loi Fioraso. Or, son article 2 venait couronner les efforts de tous ceux qui, depuis le début du quinquennat précédent, s’efforçaient d’écarter l’obstacle de la loi Toubon pour pouvoir enfin enseigner « en langues étrangères et renforcer ainsi l’ « attractivité » (sic) du territoire ».

Depuis lors, l’Académie française, l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, l’Académie des Sciences d’Outre-mer, ont, dans leur langage mesuré, mis en garde contre les graves conséquences de cette disposition. Des mouvements politiques ont lancé des pétitions qui ont, malgré l’aridité du sujet, recueilli bien plus de 10.000 signatures. De nombreux organes audio-visuels et de la presse écrite, hebdomadaires tel le Canard enchaîné, et les plus grands quotidiens (Libération, Le Figaro le 18 avril, Le Monde le 26 avril) ont ouvert leurs colonnes aux réactions hostiles au projet. Pouria Amirshahi, député socialiste des Français de l’étranger, président de Commission, a exprimé courageusement son opposition. Vous avez lu les avis tranchés de très hautes personnalités, de Jean-Pierre Chevènement et Michel Serres à Jacques Attali (difficile « d’imaginer une idée plus stupide, plus contre-productive, plus dangereuse et plus contraire à l’intérêt national »), au Professeur au Collège de France Claude Hagège (« acharnement »…suicidaire »…).

Hors de nos frontières, nos compatriotes conscients, partout où ils œuvrent, de la voix de la France et de nos atouts à préserver, mais aussi nos amis étrangers, profondément étonnés, se sont émus et mobilisés au secours de notre langue.
Au nom de toute l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), son Secrétaire général Abdou Diouf, ancien Président de la République du Sénégal, a envoyé dès mars une lettre remarquable au Premier Ministre de la France. Au point que des chefs d’État et de gouvernement de pays francophones, en Afrique, au Québec, ailleurs, s’en émeuvent directement auprès du Président de la République ou de son Premier Ministre.

En fait, tout le monde sent bien – Mme Fioraso l’a presque reconnu entre les lignes de sa défense peu convaincante dans Le Nouvel Observateur – qu’il ne s’agit même plus de concourir pour l’accueil de quelques étrangers supplémentaires (la France, avec plus de 200.000 étudiants non français, est déjà au troisième rang des pays d’accueil, en français pour l’essentiel !), mais de passer à l’anglo-américain – au « globish-pour-tous » – comme langue de l’enseignement supérieur, aussi pour les francophones tant étrangers que français, en attendant d’étendre nécessairement ce méfait au secondaire, puis au primaire, à la maternelle…

Il s’agit du changement, maintenant, de langue. Il s’agit de soumission à l’oligarchie mondialisée, non plus spontanée, au cours de siècles, aux Romains du moment, mais brutalement décidée, hic et nunc, par des clans minoritaires de mauvais bergers. Le Président fédéral Joachim Gauck ne le recommandait-il pas lui aussi le 22 février à son peuple allemand et aux peuples européens, dans un « Discours à la Nation allemande » devenu fort différent des « Reden an die deutsche Nation » de Fichte en 1807 ?

Anglais, quand tu nous tiens !…

Une France fidèle à elle-même, et aux amis qui, un peu partout, croient encore en elle, ne peut que refuser cet alignement général, cette dhimmitude, cet esclavage, ce suicide.

A partir du 22 mai 2013, comme dans les « heures sombres » de juin-juillet 1940, les élites françaises, au premier chef tous les représentants élus de la Nation, sont placés devant leurs écrasantes responsabilités.

Ils ont avec eux, s’ils résistent, le sentiment profond du peuple, qu’il ne faut plus tromper.

Haut les cœurs !

*Albert Salon, docteur d’État ès lettres, ancien ambassadeur, commandeur du Mérite, président et administrateur d’associations de promotion du français et de la Francophonie.

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