Alors que s’ouvre le salon du patrimoine à Paris au Carrousel du Louvre, du 7 au 10 novembre, CultureMag vous alerte sur l’état d’un pan de notre patrimoine parisien.
Par Maxime Cumunel*
Le glas a sonné pour le patrimoine parisien : la Cour des Comptes épingle la gestion des musées municipaux, le World Monument Fund inscrit deux églises parisiennes dans son rapport consacré aux 100 monuments les plus menacés du monde…
Loin de s’en émouvoir, la Mairie de Paris, plus riche collectivité de France avec un budget 2013 de 7.95 milliard d’euros, nous explique que tout va bien. Tout va très bien, Madame la Marquise !
« La situation des églises de la capitale n’est pas alarmante », déclare l’équipe du maire au Figaro, sans trop s’émouvoir du fait que le rapport du World Monument Fund, depuis 10 ans, n’avait jamais mentionné de site Français. C’est sûrement un bon point pour l’attractivité touristique de la Ville Lumière, ne dit-on pas que toute publicité est une bonne publicité ?
Cela n’est rien Madame la Marquise, cela n’est rien, tout va très bien : à St-Merry, l’électricité est aux normes d’un autre âge, quand elle fonctionne (mais qui voudrait voir le chœur de cette église du Marais un dimanche pour admirer des peintures de toute façon très abimées par l’humidité, situées dans des chapelles dont beaucoup servent de dépotoir… ?), et les toitures fuient tranquillement tandis que la façade principale, à l’instar d’un sac à provision trop plein en revenant du marché, est masquée d’un filet qui évite généreusement aux passants de recevoir une de ces pierres vénérables qui composent ce bâtiment classé monument historique depuis 1862 !
Tout va très bien Madame la Marquise, les élus parisiens restent « très attentifs et vigilants pour intervenir avant que les dégâts ne soient irréversibles ». Nous voilà rassurés, le cas de St-Merry n’est pas irréversible, même si, bien sûr, plus le temps passe plus les travaux coûtent chers. Heureusement ce ne sont pas les élus qui paient, mais les administrés.
Seulement voilà, Madame la Marquise, on déplore un tout petit rien : sur les 96 édifices religieux appartenant à la ville de Paris (85 églises, 9 temples et 2 synagogues), beaucoup sont dans un état inquiétant. St Augustin s’effondre, il pleut dans St-Philippe du Roule tandis que le toit de La Trinité subsiste grâce à d’astucieux échafaudages. Et ne parlons pas de la saleté de presque toutes les églises de Paris…
Le constat est d’autant plus savoureux que les Parisiens sont légalement tenus de ravaler tous les dix ans leurs façades, lequel ravalement, dixit le site officiel de la Ville de Paris, « [leur] permet de valoriser [leur] patrimoine et de participer à la beauté de Paris » ! Bigre ! Dommage que la ville ne s’applique pas les règles qu’elle ordonne à ses administrés.
Mais tout va très bien, Madame la Marquise ! Tellement bien d’ailleurs que les budgets destinés au patrimoine baissent d’année en année. Alors que la première mandature de Bertrand Delanoë consacrait 90 millions d’euros sur 6 ans aux églises (restauration et entretien compris), sa seconde mandature ne prévoyait que 66 millions, soit une baisse de 27% ! De 2005 à 2012, pour 96 monuments majeurs de Paris, le maire actuel a dépensé 74 millions. Dans le même temps, 85 millions étaient alloués à la transformation de la Gaité Lyrique en « Véritable lieu-média en plein cœur de Paris, [qui] explore les cultures numériques sous toutes leurs formes », et 110 millions pour le nouveau stade Jean Bouin.
Mais cela n’est rien, Madame la Marquise ! Ne soyons pas mesquin et accordons à l’actuelle majorité qu’elle fait mieux que la précédente, tout en restant inférieure aux budgets de 1994 lorsque « l’urgence » fut déclarée. 20 millions d’euros (100 millions de francs) étaient alors alloués aux églises, sur un budget global inférieur à 3 milliards d’euros, quand l’actuel est deux fois plus élevé. D’ailleurs, beaucoup de travaux ont été réalisés depuis 10 ans : des travaux d’apparence surtout.
Ainsi, à l’instar d’une bonimenteuse prétendant réaliser d’authentiques liftings à l’aide de maquillage, la Ville nettoie la façade de St-Paul-St-Louis et déclare l’église restaurée, restaure trois chapelles de St-Eustache et annonce l’église sauvée, dépense 28 millions pour la tour nord de St-Sulpice et crie victoire, oubliant au passage la tour sud, la nef, et tout l’intérieur, dont la vénérable saleté permet de cacher le triste état des fresques de Delacroix dévorées par l’humidité !
Mais cela n’est rien, Madame la Marquise, tout va très bien puisque la Ville a réalisé «un effort sans précédent » (dit-elle en évoquant 150 millions€ de dépenses en 12 ans, soit 5.5€ par an et par habitant ou encore 0.15% de son budget !) ; et de reconnaître « qu’il faut le poursuivre » !
Tout va très bien, Madame la Marquise, les 73 millions de touristes de la capitale auront peut-être un jour la chance d’admirer Paris pour autre chose que sa saleté !
*Observatoire du Patrimoine Religieux
www.patrimoine-religieux.fr
Photos : St Merry
Notre-Dame de Lorette.
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