Matzneff obtient le Renaudot essai 2013

/Le romancier et essayiste Gabriel Matzneff est enfin récompensé.
Jusqu’à présent, il n’avait été récompensé que par le prix Oscar Wilde. Le voici couronné par un grand prix littéraire de la saison : le Renaudot essai ; cela pour un livre brillant, Séraphin, c’est la fin.

Gabriel Matzneff dégaine sec en publiant ses meilleurs chroniques parues dans la presse, quelques préfaces et autres mini pamphlets diffusés sur son site www.matzneff.com, entre 1964 et 2012.
Ce narcisse est un tendre qui ne prend pas de gant pour se flageller : « Il me semble être le même garçon susceptible, colérique, impatient, au sale caractère, que j’étais à l’âge de douze ans. Une catastrophe ! », écrit-il dans un journal italien.
Ce bouquet de textes anciens et plus récents donne le reflet de ses passions schismatiques, de ses obsessions fertiles, de son anticonformisme réconfortant, de ce qu’il appelle ses contradictions, ses brûlures, son amour de la liberté. Une saine introduction pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu.


De Lucrèce à Saint Matthieu

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Gab la rafale comme il aime s’appeler lui-même, est un esprit bien trop singulier pour une époque qui veut marier tout le monde, interdire les petits plaisirs et mettre au pas les démocraties. Sur le Proche-Orient, il s’enflamme :
« Ils ont assassiné Saddam Hussein, chef d’État laïc qui, d’une main de fer, maîtrisait les hystéries fanatiques, ils ont détruit la chrétienté irakienne, ils  s’apprêtent à zigouiller  Kadhafi, demain ce sera le tour du président syrien, autre chef d’État laïc sous le pouvoir duquel les minorités religieuses ont toujours vécu dans la tranquillité et la paix, vive la démocratie à l’occidentale, que diable ! »
(10 septembre 2011).

Ne ratant jamais une occasion de défendre les maîtres et complices de sa jeunesse, Lucrèce, Schopenhauer ou Byron, sa devise n’a pas changé, elle est celle que Casanova (incarnation pour lui de « la vie bue au goulot ») avait empruntée à l’épicurien Horace : Carpe diem minimum credula postero. Et ce « Jouis de l’instant présent sans te fier le moins du monde à l’avenir », il s’en délecte, rappelant avec malice que saint Matthieu avait dit à peu près la même chose
Et la brièveté de la vie, comme la fugacité du bonheur qu’il évoque à plusieurs reprises, il aime s’en imprégner en savourant ses séjours à Venise, ville d’amour et de mort qu’il fréquente depuis 1962.

Une œuvre « toute méditerranéenne »

Alain de Benoist avait vu juste quand il remarquait que « l’œuvre de Gabriel Matzneff est tout entière baignée d’une clarté que l’on serait tenté de dire « méditerranéenne » ».

On ressent en effet dans ce recueil mordant cette même impression, à l’inverse des proses crépusculaires du moment. Et celui qui porte en lui une élégance, une lumière et une hauteur de vue sur les choses, aime aussi reconnaître le talent de ses contemporains : Philippe Muray, Guy Hocquengheim, Alain Daniélou Pierre Bourgeade ou Georges Lapassade. Comme eux, il aime prendre le contre-pied des idées en vogue et respirer au-dessus des conventions. « Me stimulent les défauts, les contradictions, les faiblesses « humaines, trop humains », écrit-il. Les vertus et les certitudes édifient, mais les faiblesses et les doutes attirent ».
Ce bréviaire pour une nouvelle résistance, qui irait du libertinage à la liberté de penser, a de quoi réjouir tous ceux qui se méfient de la bienpensance.



* Séraphin, c’est la fin !, de Gabriel Matzneff, La Table Ronde,  266 pages,  18 €. Prix Renaudot Essai 2013.

www.matzneff.com

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