Cocteau 50 ans après sa mort

/Cinquante ans après sa disparition, Jean Cocteau revient en force. Comme si sa modernité, son œil visionnaire et la pérennité de son œuvre continuaient à toucher les nouvelles générations.

Les hommages se multiplient : expositions au Musée des Manuscrits et à la Cinémathèque, éditions d’un beau livre sur Jean Cocteau et rééditions de l’oeuvre du poète se succèdent.

L’écrivain-poète de la qualité de Jean Cocteau méritait une belle exposition qui puisse célébrer autant son écriture que ses dessins. Alors, il faut se féliciter que le  Musée des lettres et manuscrits, sous l’impulsion de Pascal Fulacher et Dominique Marny, participe à l’hommage national. Tout tient dans le titre : « Jean Cocteau le magnifique. Les miroirs d’un poète ».

On sait combien la figure gracieuse de Narcisse, se regardant dans l’eau moirée d’un ruisseau, toucha le jeune Jean. « Lorsqu’il scrute son image dans le miroir, écrit Dominique Marny dans le superbe catalogue de l’exposition, le jeune Cocteau ne se trouve pas séduisant. Un visage anguleux, des yeux à fleur de tête, des cheveux raides, une silhouette chétive ».
Non seulement il dessinera des miroirs, mais il les franchira pour mieux passer du visible à l’invisible. « Le miroir surprend, étonne, fascine autant qu’il réfléchit, rassure ou déclenche la crainte », note ajoute Dominique Marny.

Dargelos et Heurtebise

Un déclic, pourtant va le réveiller et lui faire entrevoir l’idéal masculin, quand élève en classe de 5e, il verra apparaître devant lui Dargelos, un garçon d’une beauté sauvage et d’« une virilité très au-dessus de son âge ». Idéalisé par le poète, cet « enfant terrible » apparaît comme un anti-héros et tel un modèle qui n’en finira jamais de le hanter.

Après tout, quand Cocteau rencontrera Jean Marais, il prendra son visage et son corps d’Apollon pour le contraire d’un ange despote tel qu’il l’avait modelé en la personne de l’ange Heurtebise (au cœur du dialogue avec Eurydice), dans Orphée, sa tragédie en un acte et un intervalle. On se souvient de ce qu’il écrira dans Le Livre blanc : « L’amour me ravage (…) Attendre est un supplice. Posséder en est un autre par crainte de perdre ce que je tiens. »
Dans une seule salle, l’exposition présente des documents étonnants, savamment commentés : dessins, manuscrits, livres et affiches en cinq grands axes, de ses « premiers regards » à son « entrée en poésie », de l’ « apparition d’une étoile » au « merveilleux », jusqu’à « la traversée du miroir.

Ne ratez pas le script du film « La Belle et la bête » (1946), d’après le livret de Madame Leprince de Beaumont, avec des dessins originaux en préambule, des projets de dessins pour Le Potomak (1913-1914) qui anticipent sur la série des Simson ; le portrait original à l’encre de Chine de Raymond Radiguet (1922), un dessin de deux garçons en capeline sur la page de garde d’une édition des Enfants terribles, des lettres ou des dédicaces de Cocteau à Marais comme ce mot écrit en ouverture du Requiem : « Mon Jeannot, tout ce qui vient de moi est à toi ».

Le roman d’un funambule

De son côté, La Cinémathèque française propose un parcours autour de Cocteau et le cinéma avec vitrines et extraits de films. Et en parallèle, il faut lire absolument Jean Cocteau ou le roman d’un funambule de Dominique Manry, petite nièce du poète (Paul, son grand-père, était le frère de Jean) qui raconte toutes les étapes heureuses et douloureuses de la vie de Cocteau, au regard de son œuvre, à jamais imbriquées, portant même un regard critique sur certaines de ses créations mais aussi sur le jeu d’Edouard Dermit (dit Doudou), notamment dans Les Enfants terribles, selon elle très discutable.
Toutes les clés de son travail d’artiste s’y trouvent. Et de chapitre en chapitre, on traverse cette galerie de portraits (Misia Sert, Chanel, Anna de Noailles, Natalie Paley, Picasso, Raymond Radiguet, Jean Desbordes, Max Jacob….), en étant subjugué le talent que Cocteau avait de révéler des talents et d’entretenir un sentiment qu’il mettait au-dessus de tout : l’amitié.

Dominique Marny a fait là un travail de synthèse exemplaire, surtout depuis la parution de la colossale biographie de Claude Arnaud chez Grasset, il y a juste dix ans. « À quoi aurait ressemblé notre relation si j’avais eu le temps de devenir adulte avant qu’il ne nous quitte ?, confie-t-elle. Le destin a décidé qu’elle s’instaurerait à travers les miroirs, entres les mondes visible et invisible. Sachant combien Jean Cocteau privilégiait le mystère et les « valeurs secrètes », ma priorité fut de ne pas les déflorer à travers ces pages. »

Pratique :


•    Jean Cocteau le magnifique. Les miroirs d’un poète.
Exposition au Musée des lettres et manuscrits.
Jusqu’au 23 février 2014. 22, Bd Saint-Germain, Paris 7e.
www.museedeslettres.fr.

Catalogue de l’exposition, signé Pascal Fulacher et Dominique Marny, éditions Gallimard,  175 pages, 29 €.

•    Jean Cocteau et le cinématographe.
Exposition à la Cinémathèque française.
www.cinematheque.fr.

•   Jean Cocteau ou le roman d’un funambule, de Dominique Marny, éditions du Rocher, 220 pages, 21 €.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.