Sis à quelques mètres l’un de l’autre, ils se toisent fièrement. L’un, mystérieux et crânement dressé au milieu de ses propres ruines, parle de son histoire.
L’autre, récent, coquet, restauré, entretenu et converti en hôtel de charme, fait face au grand ancien auquel il a emprunté les pierres, en improbable héritier. À Fère-en-Tardenois, deux châteaux attendent la venue des visiteurs pour les enchanter.
À quelques encablures de Château-Thierry, le vieux château de Fère conte l’épopée du Comte Robert de Dreux, petit-fils de Louis VI qui le fit bâtir en 1206 sur la route des sacres, à quelques dizaines de kilomètres de la Cathédrale du sacre des Rois de France, à Reims. Il bruisse encore de souvenirs : le Duc de Bretagne, Jean I achève sa construction, il est échangé par Guy de Lésignan à Gauthier de Chatillon qui le vend à Louis d’Orléans. Survient alors la guerre de 100 ans durant laquelle l’héroïque maître d’hôtel défend le château contre les Anglais pendant la captivité en Angleterre de son maître, Charles d’Orléans. Alardin de Monzay écrit alors les pages les plus glorieuses de l’histoire du château de Fère, en faisant l’un des rares bastions à résister à l’ennemi anglais ! Hélas, il doit être vendu aux Comtes d’Angoulême pour payer la rançon de son propriétaire.
Après quelques changements de mains, le Connétable Anne de Montmorency, le recevant en cadeau de noces, transforme le château de Fère en demeure de plaisance en 1539. Ce redoutable château de défense, flanqué de sept tours rondes capables de faire ricocher les boulets des assiégeants, perd ses derniers attributs en 1560, lorsque son nouveau propriétaire fait jeter un viaduc de style Renaissance surmonté d’une galerie à deux étages, sur les fossés en lieu et place du pont médiéval.
Quelques péripéties plus tard, Fère, par le biais des mariages, passe à la branche cadette des Condé et entre dans la période la plus noire de son existence lorsque le père du Philippe-Egalité de sinistre mémoire (celui qui fit voter la mort du Roi Louis XVI !) le fait démanteler purement et simplement pour en vendre les pierres et les meubles en 1779.
La nuit tombe déjà, les ruines du château de Fère s’auréolent d’une lueur fantomatique tandis que le porche et les fenêtres du château récent s’éclairent gaiement. Fruit de la reconstruction de la basse-cour au XVIème siècle, cette bâtisse a été aménagée en château d’agrément en 1863 et transformée en hôtel en 1956. Marqué par les transformations au fil du temps, il tient tête à l’ancien auréolé des ses cinq nouvelles étoiles et de sa table gastronomique menée de main de chef par Philippe Collinet, champion de la cuisine basse température qui garde ainsi la saveur et les propriétés des aliments, et amoureux de l’alliance « terre-mer » en vogue depuis quelques années.
Un restaurant de produits de saison qui mériterait une distinction au Michelin.
Et puis, il pourrait lui rétorquer que si l’on dit que François Ier eut ses habitudes en face, de ce côté-ci, l’ancien roi du Cambodge Sihanouk y séjourna régulièrement dans les années 80 et qu’en 1987, il négocia son retour au pouvoir dans les salons de l’Hostellerie du Château de Fère, prémices aux Accords de Paris sur le Cambodge signés en 1991 à Saint-Germain-en-Laye.
À Fère, tout exprime la passion : celle d’un propriétaire amoureux de son château qui a meublé et décoré l’hôtel avec un goût rare, mêlant avec justesse l’ancien et le moderne tant dans les salons du restaurant avec leurs boiseries du XVIIème, que dans les 23 chambre de 22 à 45m² et les six suites.
Petit bémol, tout le monde n’appréciera pas la baignoire à l’entrée ou au milieu de la chambre. Les nouvelles normes octroient les étoiles aujourd’hui avec un automatisme dommageable à la profession comme aux clients, et il ne faut pas s’attendre aux services d’un palace car la gentillesse du personnel ne pallie pas au manque d’effectif. Quant au petit-déjeuner, plat et sans imagination, il reste le point faible du lieu.
On compensera par la visite des magnifiques caves et du parc de 70 hectares, ou encore par un tour au spa où jacuzzi, hammam et sauna accueillent dans leur bulle les hôtes avant des soins signés « Cinq-Mondes ».
Et puis, Olivier Rousselier, le directeur, est expert en petites attentions de toutes sortes qui raviront les hôtes de cette hôtellerie de charme aux portes de la Champagne.
Pratique :
Château de Fère*****
Route de Fismes
02130 Fère en Tardenois
Tél : 0323822113
reception@chateaudefere.com
Chambres à partir de 175€ et suite à partir de 390€.
Menus de 38€ (midi) à 95€.
Le Château de Fère, hôtel indépendant, fait partie du réseau d’hôtellerie de charme et de luxe : « Hotels et Préférence ».
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