Dialogues, rondes et processions

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    La Galerie Bansard accueille jusqu’au 29 mars 2015 l’exposition « Dialogues, rondes et processions ». Divisée en deux parties, elle présente, autour des sculptures de Sophie-Mathilde Tauss, les laques de Nicole Agius-Maurel puis les peintures d’Emmanuelle Tauss-Keita.

L’art du laque est la principale passion et activité de Nicole Agius-Maurel. Laques contemporains, ils sont nés d’une alliance entre la technique ancienne chinoise ou japonaise et les matériaux nouveaux. La laque, matériau d’origine végétale fourni par la sève des arbres laquiers, devient en Europe un vernis qui subit de nombreuses préparations.
Le support reste le bois. La première couche d’apprêts est suivie d’une seconde, unie, recouverte d’une troisième, imprégnée de poudres colorées ou de feuilles d’or, de cuivre ou d’argent qui seront oxydées. Pour terminer, l’artiste applique  sept à dix couches de vernis incolore. Chaque couche requiert, après quelques jours de séchage, des ponçages minutieux.

Mais s’il faut certes maîtriser la technique, il faut surtout veiller à ne pas en être prisonnier. Son maître en la matière aura été Antoine Bourdelle qui disait « Un autre voyageur que moi m’habite et m’environne. Il a la taille du destin et je n’ai jamais su le craindre car il me jette à la lumière ». Pour elle, comme pour Christian Bobin « L’Art est une manière de résister au monde, de tenir devant lui et d’opposer à sa fureur une présence active. »

L’ensemble, or et argent mêlés, présente une trentaine de merveilleux chefs d’œuvre, de toutes tailles, aux tonalités vertes, rouges et bleues. Les dialogues avec l’ange mettent en scène de petits personnages noyés dans la lumière qui émane d’une monumentale figure blanche les surplombant. Le monde, la lune et constellation se traduisent par des planètes aux reflets dorés qui se noient dans un ciel bleuté. Plus loin la chaleur de l’été indien est évoquée par la masse ocre d’un autre panneau. Le cortège avec sa procession sur un fond de troncs d’arbres  colossaux est une illustration parmi d’autres du thème de l’exposition.

""Emmanuelle Tauss-Keita peint à l’huile ou à l’acrylique, elle aussi, des processions qui cheminent dans la nuit profonde ou qui avancent dans l’aurore du matin. On ne distingue pas le visage de ses personnages fantomatiques. Peu importe, sa quête se fait d’instants, de regards, de mouvements qui émanent de notre mémoire commune. C’est dans de vieux albums de photos, trouvés dans des débarras de grenier ou des brocantes, qu’elle trouve son inspiration. Sa vie à l’étranger l’a poussée à rechercher dans le médium de la peinture ses origines, sa famille et son pays. Installée à présent dans le Vexin, elle s’imprègne de la vie dans la montagne avec ses pèlerins qui allaient de chapelles en chapelle, les sorties de messe d’antan où les hommes dissimulent leurs visages sous leurs chapeaux, les femmes sous leur coiffes. Le travail quotidien d’autrefois comme la récolte à la main dans les champs de colza est une des facettes de son art.

Sa sœur, Sophie-Mathilde Tauss sculpte. Elle fait du dialogue des mots et des mains, du verbe et de la matière, la pierre angulaire de sa vie ; cohérence de ses choix professionnels et artistiques. En marbres, bronzes ou terre cuite, la matière se transcende sans rien perdre d’elle-même ni de la sensualité qui fut nécessaire pour que l’œuvre advienne.

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« Longtemps dans mes sculptures, j’ai interrogé l’espace entre deux, cet espace du dialogue dans l’ « altérité », de la reconnaissance de la différence, des places respectives de chacun », explique-t-elle. Le dialogue est effectivement ce qui frappe chez elle. Ses sujets, que ce soit les Dialogue d’anges,  Dialogue tritons, Dialogue « fines pointes », Dialogues folioles, etc.,  fonctionnent et se vendent par deux.

Mais sa sculpture introduit aussi la notion de l’espace de l’amour. Dans l’Espace du cœur, une femme s’offre à un homme dont la poitrine fendue laisse la place à l’accueil. Ailleurs Le couple, tel Adam et Eve, se dresse d’un bloc sur la terre. Ils sont étroitement enlacés, elle posant la main sur son ventre arrondi.  Avec La fontaine de grâce, le couple se fait don pour l’autre en laissant jaillir de ses bras unis le trop plein de son amour.
La ronde, illustration de l’exposition, se compose de sept figurines.  Ce nombre parfait n’est pas le fruit du hasard pour cette danse hiératique.

Enfin, laissons parler Jean Mambrino, critique littéraire et théâtral à la revue Etudes, décédé en 2012 et ami des artistes :
«Il semble que les mains de Sophie-Mathilde Tauss sortent directement de la glaise, qui façonne elle-même ses figures avec une tendre et voluptueuse violence. La terre (marbre ou pierre en font partie) connaît son origine, suscite ses enfants. Elle se palpe, se déchire, multiplie ses caresses. Contourne ses propres résistances, étudie subtilement l’élan qui la soulève. Se tord, par un tour de main d’une inflexible suavité, pour s’éviter, se dédoubler, se blottir dans le secret.
Et soudain, se retire d’elle-même, se contemple avec stupeur, sans reconnaître cette majesté qu’elle a tirée de ses entrailles.
Après  tant de combats amoureux, d’enlacements, d’enfantements, les mains alors se joignent, à l’heure venue de la méditation, la terrible douceur de la prière. La terre est devenue l’extase. »

Son œuvre de poète, proche de celle des artistes, sera lue à la galerie les 21, 25 et 28 mars à 19h,  les 22 et 29 mars à 15h.

Stéphane de Laborie

Pratique :

« Dialogues, rondes et processions »
Jusqu’au 29 mars 2015
Galerie Bansard,
26 avenue de La Bourdonnais, Paris 7e

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