L’Abbaye royale de Saint Riquier en Picardie, de Nithard à l’ère du numérique

/À l’heure où il est beaucoup question d’Europe, l’abbaye royale de St Riquier fut entre 790 et 1131 l’un des premiers lieux de rencontres et d’échanges culturels, en lien avec l’écriture mais aussi la peinture, la musique.

Fondée par le futur Saint Riquier en 625 l’Abbaye devient royale en 632 par la protection que lui accorde Dagobert 1er. Joyau de l’architecture gothique, cet édifice a connu de nombreuses destructions dues aux incendies et aux pillages mais reste aujourd’hui l’un des plus beaux de France, notamment grâce aux travaux réalisés par Charles d’Aligre, au XVIIe siècle. Elle joua un rôle considérable dans la conservation et la transmission des savoirs jusqu’à la fin du XIIe siècle.

Une étrange histoire : un crâne fendu et quelques lignes pour la postérité
Nithard est un peu oublié des pages de l’Histoire et pourtant, c’est lui le premier auteur d’un texte écrit en langue française, les « Serments d’Alsace ». Ce grand érudit, diplomate, poète fut aussi un grand guerrier.  Il succède à son père en 844 en tant que Comte – Abbé de Saint-Riquier. En tant que gouverneur il assure la sécurité du littoral et meurt d’un coup d’épée porté à la tête. Son histoire étrange et étonnante se poursuit lorsqu’après un grand saut dans l’histoire en 2011,  Anne Potié, nouvellement en charge de ce site prestigieux, retrouve ses ossements, par hasard regroupés dans le carton d’un grenier.

De l’écriture à l’ère du numérique

L’Abbaye royale est devenue aujourd’hui  Centre Culturel de Rencontre, labellisé en 2013 par la Ministre de la Culture, et voué aux écritures à l’ère du numérique. Il s’agit à la fois de voir et d’imaginer, comme à l’époque des moines, l’Abbaye et ses trésors sous un angle original et d’accéder aux espaces de travail des artistes et des chercheurs en résidence qui, aujourd’hui, habitent ce haut-lieu de savoirs. Ainsi la notion d’écriture est-elle déclinée en son sens le plus large, faisant écho à des siècles de distance, à celle de Nithard.

Les écritures artistiques

Trois expositions sont proposées jusqu’en décembre par l’Abbaye royale, dont les espaces seront occupés par les œuvres de plasticiens : Gérard Titus-Carmel, Alain Fleischer et Daniel Nadaud, trois créateurs également, auteur, écrivain, poète ou cinéaste.

/Gérard Titus Carmel fait chanter et danser les mots, à travers sa peinture mais aussi ses écrits  et tous deux s’emmêlent pour traduire ses émotions et sa sensibilité : « la Nuit au corps, Ici rien n’est présent, Demeurant…L’artiste est présent mais pas uniquement de manière symbolique. Il explique ses œuvres : « Peindre, c’est joindre le geste à la parole. C’est donner une réponse au vide, en convoquant son corps et en le livrant vivant aux grands mouvements de son rêve. »

Les œuvres s’immiscent, s’imposent, s’entrelacent  avec un fil rouge en relation avec l’écriture, la poésie, le corps…avec des thèmes de prédilection qui se déclinent en paysages qui sont le reflet de ses sensations. Ses œuvres sont les empreintes de ses impressions à la façon d’une marqueterie.  « La capacité du rêve à s’échapper ainsi de la conscience éveillée ; c’est précisément ce qui rend désespérément belles ces ruines qu’on abandonne à la lumière. » explique cet artiste avec la passion qui est la sienne.

L’exposition d’Alain Fleischer réunit des œuvres photographiques et des vidéos consacrées à la lecture ainsi qu’une œuvre inédite réalisée par l’artiste et spécialement conçue pour ce projet. Elle est composée, notamment, d’une dizaine d’œuvres photographiques de grand format, intitulées, Voyages parallèles.
Daniel Nadaud présente, quant à lui, une « partition ombragée et tintinnabulante » : sous les frondaisons des tilleuls de l’Allée de la méditation.

Ce centre culturel a également mis en évidence une idée toute simple : celle de lectures lues avec des images projetées qui procurent un effet apaisant.

Ce célèbre monument voué à plus de 1200 ans aux écritures et à leur lecture fait perdurer cette tradition au-delà du symbole.  Afin de découvrir, comme vous diront les picards, « l’euthetique et véritable histoère qu’ale s’est passée ichi, in Picardie », l’Abbaye est un lieu d’exploration mais aussi de recherche(s) à la fois historique(s) mais aussi littéraire(s) et musical(es) …adapté au XXIe siècle.  

Ysabelle Joly

Photos : Guillaume Crochez

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