Dunkerque et l’art contemporain 1/2

Le Fond Régional d’Art Contemporain (FRAC) du Haut de France, situé à Dunkerque, profite d’un cadre et d’un lieu exceptionnels pour proposer quelques expositions permettant d’interroger notre rapport au monde, à l’histoire, au temps, grâce à des œuvres originales et singulières.

 

Un lieu exceptionnel

           

            Sur le front de mer de Dunkerque, où Christopher Nolan a tourné son Dunkerque quelques années auparavant, se dresse un immense bâtiment tranchant avec l’horizon de la mer, comme un vestige qui aurait résisté à la guerre et aux reconstructions qui ont suivies : on croirait voir la dernière halle de l’industrie navale dunkerquoise. En vérité, rien de plus moderne que ce bâtiment. Si Lacaton et Vassal, les deux architectes de l’immeuble, se sont bien inspirés de l’ancien atelier de préfabrication, le bâtiment du FRAC a été réalisé en 2013, a été pensé selon des contraintes écologiques, et est entièrement vitré, permettant d’avoir une vue panoramique du paysage. A l’intérieur, le bâtiment dispose de larges ouvertures, qui permettent au petit nombre d’expositions de jouir de grands espaces pour les œuvres. Parmi elles, trois sont nouvelles, et parlent chacune à leur manière de notre rapport aux choses et à l’histoire.

Que fut 1848 ?

           

  1. Voilà une date connue de tout le monde. De nom, le plus souvent. Et c’est pour cela que le FRAC a souhaité mettre cette date à l’honneur, pour proposer un parcours historique à l’aune d’œuvres contemporaines. Leur actualité nous permet ainsi de mieux saisir les enjeux de cet événement historique, et c’est de là qu’elle tient son titre : « Que fut 1848 ? ». Parmi les nombreuses œuvres exposées, qui explorent chacune à leur manière les conséquences de cette date dont nous voyons encore aujourd’hui les effets, deux ont retenu notre attention. La première est l’œuvre Sabotage, de Sara Ortemeyer, qui joue sur l’étymologie supposée du mot, qui serait issue du blocage des machines lyonnaises par les sabots des ouvriers, pour proposer une œuvre saisissante dans laquelle se mêlent des sabots de bois à différents stades d’éclatement : certains sont entiers, d’autres en copeaux, et tous participent à cette œuvre qui occupe un espace non délimité dans l’exposition, comme s’il pouvait encore s’étendre, et qui figure également une barricade.

            La seconde, de Thierry Verbeke, représente un enseigne détériorée, celle du local d’un syndicat de dockers : L’AVENIR. L’état des lettres, comme la situation des ouvriers de la région, résonnent dans une étrange ironie avec les espérances qui naquirent autrefois lors de la construction de ce local. Mais l’œuvre n’est pas que sous nos yeux : elle est aussi au-dessus du local, puisque l’artiste a fait refaire l’enseigne à l’identique par des apprentis de la région, symbole d’un espoir toujours renouvelé.

 

Résidences Archipel

            Le FRAC ne se contente pas d’exposer : il accueille également des artistes. Cela a pour effet de conduire à des œuvres qui, tout en restant singulièrement celles des artistes, sont influencées par la région des Hauts-de-France. Ainsi, Sacha Golemanas, jeune artiste en résidence durant trois mois, a pu travailler avec le centre Nausicaa de Boulogne-sur-Mer, pouvant observer les otaries de près, et ainsi donner à cette espèce exotique protégée une perspective artistique. Grâce à la technique du cyanotype, dont elle a pu apprécier le bleu dans les registres de la Cité de la Dentelle et de la Mode à Calais, elle a pu produire des tirages fascinants. Ceux-ci prennent place dans une exposition plus vaste « Away, Sweet Away », qui convoque l’imaginaire paradisiaque à partir d’objets manufacturés à grande échelle, reproductibles : ainsi se croisent le transat Disney, la cabine préfabriquée, les souvenirs pour touristes en plâtre. Entre la fragilité d’un monde marin impressionnant et la réflexion sur l’imaginaire paradisiaque convoqué par le bibelot, Sacha Golemanas interroge notre rapport à ce monde rêvé, souvent grâce aux contes et à la culture populaire, face à sa réalité scientifique.

            L’autre archipel est une œuvre d’ Ève Chabanon : dans une salle obscure, un film « Mon seul défaut est de durer trop », dans lequel différents conservateurs imaginent un incendie hypothétique et sauvent une pièce de leur collection. En regard du film, une télévision, au sol, montre les pièces en question. D’un côté, la discussion filmée permet de réaliser que le sauvetage des œuvres en cas d’incendie est une réalité concrète parfois trop ignorée, comme en témoigne l’incendie du Musée de Rio en septembre ; de l’autre, les pièces filmées selon une certaine technique ressortent avec toute leur matérialité et leur fragilité.

 

Pour finir

 

En conclusion, le FRAC de Dunkerque est un lieu surprenant, savant mélange d’histoire et contemporanéité : et les expositions qui y prennent place expriment chacune, à leur manière, un rapport à l’histoire, au temps, le tout avec la plus brûlante actualité, celle des artistes qui pensent le monde d’aujourd’hui. En témoigne l’exposition, un peu plus ancienne mais en perpétuel renouvellement, Tubologie, qui pense le monde selon un rapport du corps à l’environnement par les tubes, autour de six catégories : art, design, piment, photo, son et tubercule : il s’agit de mettre en lumière ces tubes qui, des mots des commissaires de l’exposition, « sont partout ! »

C’est donc entre sources et création que se situe le FRAC, autant qu’il est entre terre et mer : c’est un entre deux dans lequel les œuvres, et le visiteur, peuvent s’épanouir tout en perspective.

 

Maximilien Herveau

 

 

Pratique :

Que fut 1848, jusqu’au 24 mars 2019

FRAC, 503 avec des Bancs de Flandres, 59140, Dunkerque

www.fracnpdc.fr

 

Crédits photo :

Aurélien Mole

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