Joan Blondeel – Sillages de lueur et de souffle

Pinceau à la main Joan Blondeel contemple le passage quotidien de la lumière sur le monde. C’est une anachronique chroniqueuse du temps qui passe…
Elle le prend, elle le peint pour le donner aux autres … à ceux qui n’en ont pas.
 
Son don a la forme d’une toile, elle y a fixé avec tact la fluidité du monde.
Pinceau à la main elle a tourné le dos aux mondes virtuels, à la troisième dimension  soumise  aux logiciels.  Elle a quitté la salle du banquet des images recyclées. Elle crée encore à l’ère de la créativité.
 
Pour échapper à la mort, elle a rejoint le paysage comme on rejoint le maquis ou la forêt obscure. Le monde, l’espace et le temps y sont intacts.
Pour subsister, elle dispose de l’essentiel nécessaire : elle connaît le métier, elle connaît la limite et les dangers… le reste est une aventure, une course vers l’horizon, une entrée dans les profondeurs. Elle laisse à l’image le soin de vous le raconter.
 
Elle appartient à cette famille d’artistes qui ne peut se passer de la présence matérielle de ce qu’elle peint. Le paysage est son alter ego. Elle vit avec lui une liaison amoureuse, un corps à corps. Le tableau en est le fruit. Sa vie conjugale avec la réalité du monde consiste à s’installer au milieu de l’horizon et d’y dresser une tente, une chambre haute.
Elle suit le cycle des saisons voyageant d’un lieu à l’autre : au début de l’été son « atelier » s’attache à la crête d’une montagne en Provence.   Elle y vit dans la lumière et la chaleur de l’été.  Ciel, champs et montagnes sont la clôture de ses amours. Elle peint de l’aube au crépuscule.Quand vient l’automne, elle retarde sans cesse son départ. Seule l’apparition quotidienne du gel qui engourdit ses doigts et du vent qui met en péril sa tente l’arrachent à son nid d’aigle. Les quatre murs de l’atelier parisien sont le refuge hivernal, le temps offert à la mémoire, à l’assimilation profonde du monde visible.Dès avril, elle repart ancrer sa tente au milieu  des cultures de fleurs de Hollande. La grande floraison commence. Le vent frais d’avril transforme les champs en mer houleuse écumante de calices et de pistils. Ainsi tourne la roue du temps pour Joan Blondeel. 

Qu’en dit la toile ? Tout est là saisi à la main précise et sûre.
 
Comme les couplets d’un chant,  les états de la lumière sont posés d’heure en heure, d’une toile à l’autre;  graduel aux quinze marches du jour en été… chant des montées vers la ténèbre translumineuse de la nuit. Lorsque l’on a tourné le dos aux tableaux, ils demeurent longtemps dans l’œil. Ils ont laissé une trace, un sillage : une lumière, un élan, une fluidité ardente.
On se retourne pour les voir encore… les œuvres sont là silencieuses et simples ; toutes nues,  démunies de concept.
 Il fait bon vivre assis au bord d’un tableau sorti des mains de Joan Blondeel.  
 
A l’ère du virtuel c’est dans le travail de peintres comme elle que se réincarne le monde. Leur œuvre est un antidote à la mécanisation des images et  à la fabrication artificielle d’un imaginaire pour les grandes masses. 
Son travail solitaire, sa main, son œil veillent sur le réel et révèlent sa beauté oubliée.
 
                                                                                                                                                                                                                                            Aude de Kerros

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