La trahison des clercs

Seuls les naïfs crurent que la reconstruction de la flèche à l’identique épargnerait à Notre-Dame un redoutable « geste contemporain ». Cette fois, le vent de folie vient du diocèse, de Mgr Aupetit, archevêque de Paris, en tête. Tout part de « bonnes intentions », celles dont l’enfer est pavé : repenser le système de visite pour canaliser la foule et renouveler les contenus didactiques.

Mais le projet débouche sur une modernisation effrénée et le « parcours catéchétique » commence par un coup de balai dégageant autels, confessionnaux, tableaux, jusqu’à déposer l’ensemble des verrières des chapelles de la nef, installées par Viollet-le-Duc au XIXème ! Pour les remplacer par des vitraux de 6 mètres de haut commandés à des artistes contemporains ! Or le vitrail est depuis longtemps un haut-lieu de l’Art dit contemporain (AC) hautement disruptif et transgresseur :

En infraction totale avec les principes de restauration des Monuments historiques et la Charte de Venise de 1964, une partie de ce qui a miraculeusement été épargné par le feu va dégager…

L’incendie en a rêvé, nos clercs vont le faire !

On connait la chanson des « idiots utiles » de l’AC : « C’est pas grave, c’est du Viollet-le-Duc donc du XIXème et le XIXème c’est mal ! ».

Didier Rykner a rappelé les qualités des verrières « en grisaille » au très beau décor historié : pour nier ainsi la double identité de la cathédrale, gothique et haut lieu de l’architecture romantique, le diocèse est-il devenu le ventriloque du ministère de la Culture ? Ceux qui pensaient que « La machine à baptiser » de Faust Cardinali installée à Saint Sulpice en 2001 (avec « le sperme du Créateur » sic), ou le Christ sur une chaise électrique dans la cathédrale de Gap en 2009 étaient des accidents, doivent convenir que l’inauguration des Bernardins (tout juste restaurés) par un labyrinthe de verre brisé était un programme. Le clergé catholique a suffisamment démontré sa propension au jeunisme (après des enfants) sans violer en plus le patrimoine et s’amuser avec des bancs « dotés de points lumineux » substitués aux chaises paillées. Les photos de synthèse donnent une ambiance d’aéroport, voire de parking, écrit Le Figaro : qui colle trop à son époque, s’en va avec. Or, désargentés par la crise sanitaire, donateurs et paroissiens pourraient financer ailleurs…

Danger bien perçu par le rapport de la Cour des comptes sur le chantier de Restauration de Notre-Dame, épinglant le ministère de la Culture. Car au lieu d’utiliser l’intégralité des dons pour les seuls travaux de restauration… l’obole de la veuve engraisse l’Etablissement public, créé spécialement après l’incende, énième « usine à gaz », chère à nos technocrates (et aux copains gravitant autour ?). Certes, 5 millions d’euros « seulement » part en frais de fonctionnement et en « com », mais sur les 825 millions d’euros supposés collectés, 640 sont au stade de promesse, soit l’immense majorité ! Pierre Moscovici a réclamé une enquête administrative « maintenant », pour éclaircir les « responsabilités enchevêtrées » entre l’Etat et l’Evêché, ce mille-feuille administratif ayant précarisé les lieux : quoi, en septembre 2020, toujours pas d’enquête administrative en cours ? Qu’est-ce qu’on attend ? Qu’une troisième cathédrale (après Nantes cet été) brûle ? Nantes ou l’équipe paroissiale a donné gentiment les clefs à un personnage qui changeait de nom comme de chemise…avant de finir par craquer une allumette : n’est-ce pas confondre charité et irresponsabilité ? Alors oui, certains donateurs pourraient se rétracter, déçus par une utilisation désinvolte des fonds et… du patrimoine.

« En finir avec la caste qui paralyse notre pays » est le sous-titre du livre de la journaliste Isabelle Saporta : « Rendez-nous la France »*, qui vient de paraître chez Fayard.

Outre un chapitre sur Notre Dame, c’est un inventaire général de ce qui s’apparente à une trahison des clercs, (le clerc étant l’expert supposé, laïc ou pas, pour reprendre le titre du livre de Julien Benda). Son style fluide et enlevé égaye ce véritable réquisitoire…

Prenez soin de vous…

Christine Sourgins

*Rendez-nous la France – Isabelle Saporta, Fayard, 18€

« À quel moment est-ce arrivé ? À quel moment au juste nos « technos », ces fameuses têtes bien faites, ont perdu le sens de l’État, pour se transformer en cost-killers gérant notre pays avec la poésie d’un fichier Excel et la vision d’un lapin nain ?

À force de coupes budgétaires, ils fracturent la France, opposant villes et campagnes, banlieues et provinces qui, chaque jour, meurent de voir les services publics fermer, les trains passer sans s’arrêter, et souffrent du même abandon de l’État.

Ils mettent à genoux nos hospitaliers, nos infirmiers, nos professeurs, nos policiers, nos pompiers… Ces fantassins de la République qui en font toujours plus, avec toujours moins de moyens.

Ils sont incapables de préserver notre héritage qu’ils préfèrent brader.

La France est à l’os et pendant ce temps, ils engloutissent un « pognon de dingue » dans des métastases bureaucratiques qui prolifèrent sans cesse. Des usines à gaz toujours plus inventives, toujours plus coupées du terrain pour nous engluer sous la paperasserie.

La vérité, c’est que cette caste n’a plus d’ambition pour la France.

Si seulement elle pouvait voir ce pays comme nous le voyons. L’aimer comme nous l’aimons. Nous faire confiance et libérer les talents et les forces vives qui y fourmillent.

Alors la France retrouverait enfin son rang et sa fierté. »

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.