Après Rouault, Soutine et Pollock, ce sont les œuvres de Maurice Utrillo et Suzanne Valadon qu’on nous propose de redécouvrir à la Pinacothèque de Paris.
S’il s’agit de la première grande exposition consacrée à ce « couple » d’artistes mère-fils, c’est simplement parce qu’ils jouissent d’un certain mépris dans le milieu de l’art. Suzanne Valadon, avant d’être peintre, fut le modèle de nombreux peintres comme Degas et Renoir. Femme du peuple, n’ayant pas eu la chance comme Berthe Morisot, Mary Cassatt ou Camille Claudel d’être née dans un milieu bourgeois, elle a longtemps souffert de la réputation d’être une femme légère, aussi bien dans sa vie privée que dans son œuvre qu’elle n’a entreprise que tardivement, à l’époque où le talent de son fils déclinait.
Pour Utrillo, c’est une autre histoire, pourtant mêlée à celle de sa mère. L’enfant légèrement handicapé, né d’une prolétaire bohème et de père inconnu, tombe vite dans une dépendance à l’alcool qui lui vaut à Montmartre le surnom de « Litrillo ». C’est son ami Utter, le futur amant et mari de sa mère, qui le pousse à peindre. De son pinceau sortent des paysages urbains, la ville remplaçant la nature chère aux impressionnistes ; Montmartre devient un thème obsessionnel pour le peintre qui s’enferme dans la représentation de ce quartier avec la même obstination qu’il se perd dans l’alcool.
Utrillo est le peintre de la ville, de la banlieue morne, des ciels qui, du bleu pâle au gris mauve, demeurent éternellement et désespérément unis, par-dessus les maisons anonymes, une ville sans visage qui semble désertée de toute vie organique. Il se dégage de certaines de ses toiles une mélancolie et une tristesse infinies, un désespoir auquel on cherche vainement une porte de sortie. Utrillo n’a peint que des maisons, des églises et des cabarets, on ne trouve pas un seul visage dans son œuvre, à peine quelques silhouettes floues agrémentant les rues.
L’œuvre de sa mère, au contraire, déborde de nus, de portraits et de couleurs vives. Si son dessin est assez maladroit, parfois même brutalement vulgaire, que ses personnages ne semblent, pour la plupart, habités d’aucune vie, il émane de certains une grande sensualité auxquels les maladresses techniques confèrent un charme bien particulier.
Si un certain nombre de toiles d’Utrillo sont sans véritable intérêt artistique, surtout à la fin de sa vie lorsqu’il ne peignait plus que pour boire, l’intérêt indéniable de cet artiste est de nous faire appréhender le passage de l’Impressionnisme à l’Ecole de Paris. Quant à Valadon dont certaines toiles ont été vantées par les plus grands maîtres, elle fut surtout la pionnière de l’émancipation féminine et sociale qui a su s’imposer, non sans mal dans un art majeur où le génie était encore essentiellement masculin.
Est-ce le scandale d’avoir imaginé une si grande exposition à Paris des œuvres de ce couple qu’on croirait né de la plume de Zola, ou la reconnaissance tardive et tant attendue de leur talent qui attire autant de visiteurs à la Pinacothèque ? Quoi qu’il en soit, ce lieu s’impose encore un peu davantage comme un acteur essentiel de la vie artistique parisienne.
Pratique :
Du 6 mars au 15 septembre 2009 à la Pinacothèque de Paris 28, place de la Madeleine 75 008 Paris
Tél : 01 42 68 02 01
Ouvert tous les jours de 10h30 à 18h- Tarif : 9 euros – TR 7 euros
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