Larry Clark : l’adolescence en noir et blanc

/Le cinéaste américain de Kids et de Ken Park présente à l’Art Moderne une petite rétrospective de ses photographies alors que La Cinémathèque française vient de projeter tous ses films.

Larry Clark est un cinéaste-né. Il a passé son temps à photographier des inconnus, leur demandant de poser en studio ou en situation, images crues et cruelles. Mais au-delà des poses, Clark aime les diriger en metteur en scène, comme s’il attendait de ses sujets un effet escompté. Né aux Etats-Unis en 1943 à Tulsa, dans l’Oklahoma, dès l’âge de quatorze ans, il devient l’assistant de sa mère, elle-même photographe. Il se forge un regard, se projette dans le cadre des photos. Ce sont d’ailleurs ces clichés de nouveaux-nés et d’enfants, pris par sa mère qui sont exposés au tout début de ce trajet, que l’on peut voir comme un parcours initiatique. Se dessine déjà les contours d’une vocation. Larry Clark sera un portraitiste moderne, très ancrés dans le temps, car ses photos respirent le mouvement, l’action immédiate ; ce sont en fait de vrais plans séquences. C’est ce que ses détracteurs pourront lui reprocher : peu d’esthétisme, des gros plans, beaucoup d’impudeur et de la désinvolture.

Certes, il y a tous ces éléments dans la plupart des photographies en noir et blanc de cet homme, prototype de la contre-culture américaine, dès les années 60. Mais avec Larry Clark, il ne faut jamais s’arrêter à la provocation ou à la mise en scène un peu trop décalée. Il sait cadrer, il sait choisir ses sujets, de préférence des adolescents paumés, défavorisés, livrés à eux-mêmes, imberbes, nus ou torse nus, en t-shirt, dans la rue ou roulant sur le trottoir en skate-board, dans une baignoire, un lit ou conduisant une voiture. Les visages accrochent l’objectif, entre désir, sensualité et brutalité. Rien à priori de vulgaire, mais une volonté de montrer la vie telle qu’elle est, sans grâce et sans fard.

Ni Mapplethorpe, ni Bruce Weber, Larry Clark est un photographe du moment, un insatiable traqueur de la vie au grand jour. Ce qui choque le plus dans l’exposition du Musée d’Art moderne est sans nulle doute le court métrage sans son où l’on surprend un petit groupe de jeunes drogués en train de se piquer dans une chambre. Ca fait mal. Comme font mal les dernières photos exposées et qui font penser à une succession de polaroïds (mais qui n’en sont pas) d’un même garçon, vaste découpage cinématographique, jouant avec une corde de suicidé.

L’univers de Larry Clark est sombre, sans morale (moral ?), on peut croire aussi sans vrai espoir, et comme l’a écrit Dominique Baqué : « Si l’adolescence peut-être perçue comme l’âge de tous les possibles, de toutes les promesses, l’on ne sait trop bien que chez Clark, elles ne seront jamais tenues – sauf celles qui mènent au pire : drogue, sida, mort violente, suicide… Ou peut-être pis encore : l’anéantissement dans le grand vide de la vie, dans le néant de l’existence ».

Pratique :

Exposition « Kiss the past hello », de Larry Clarke

Musée d’Art moderne de la ville de Paris

11, avenue du président Wilson 75016 Paris.

www.mam.paris.fr
Jusqu’au 2 janvier 2011. Exposition interdite au moins de 18 ans.

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