« Tu ne te feras point d’idole »

/Dans Les successions, en partant de l’histoire de Pascal Klein, brillant marchant d’art parisien en quête d’un tableau de Chagall qui doit lui faire accéder à sa propre identité et duquel il espère les réponses aux questions qui le tourmentent, Mikaël Hirsch, l’auteur, emboîte plusieurs histoires les unes dans les autres qui gravitent chacune autour d’une œuvre d’art et font traverser au lecteur deux siècles joliment racontés.

Tout comme dans La cité interdite de François Gibault, publié par le même éditeur et dont la langue est assez proche, classique, bien structurée, nous assistons au déploiement de la fascination érotique pour certains caractères féminins qui, représentés sur une toile, ont accédé en traversant les siècles à ceux de véritables idoles.

La passion pour l’art apparaît-elle, dans la société moderne, comme la forme ultime d’amours virtuelles, cérébrales, désincarnées, à l’image de ces bars modernes de Tokyo où les jeunes gens des deux sexes « flirtent » par images et télé messages interposés ?
Quand l’œuvre d’art, objet de convoitises et de spéculations financières, d’adorations de masse insensées atteint de si hauts sommets dans la conscience collective, il s’en trouve quelques uns pour lui vouer un culte, un sacerdoce et la tenir enfermée, à l’abri des regards qui risqueraient de la souiller, au risque de priver le reste de l’humanité de son spectacle et, parfois, d’en perdre la raison.
« Tu ne te feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre », disait le deuxième commandement que Dieu délivra à Moïse. Le problème que posent la représentation et les images est très ancien mais plus que jamais actuel dans une époque où tout devient image, où le désir tend de plus en plus à se réaliser dans sa projection imagée, mentale ou racontée.
Dans le même temps, à la communion de masse dans les musées et les salles de spectacles, répond l’onanisme des privilégiés qui ont la possibilité d’adorer dans la solitude la plus complète l’image forgée par leur désir.
Le pouvoir de l’image n’a-t-il aucune limite ? On peut le craindre.

Mikaël Hirsch, Les successions, 288 pages, L’Editeur.

François Gibault, La cité interdite, 208 pages, l’Editeur.

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