Frédéric Ozanam, la cause des pauvres

/Fondateur des Conférences Saint-Vincent-de-Paul, dédiées à aider les plus démunis, Frédéric Ozanam fut, au siècle du romantisme, l’instigateur d’une pensée sociale dont nous sommes toujours tributaires.

Ozanam s’est escrimé, à une époque où la pauvreté et la misère étaient largement répandues dans les milieux ouvriers et du petit artisanat à ce qu’elles soient prises en compte par une poignée de jeunes gens, intellectuels et lettrés qui surent faire en sorte que les gouvernements s’y intéressent.
Dans un bref essai qui nous fait aussi bien comprendre le contexte historique de la première moitié du XIXe siècle que le cheminement intellectuel et spirituel de Frédéric Ozanam, la cause des pauvres comme il dit, Jacques de Guillebon fait revivre un homme hors du commun.
Intelligent, cultivé, dynamique, sachant allier ses rêves à une action incessante, Frédéric Ozanam est l’archétype de l’humaniste du XIXe siècle, à la fois tributaire du XVIIIe dans son désir de connaissances illimité et homme de son temps, concerné par les problèmes sociaux et politiques d’un siècle en constante révolution.

Né à Lyon d’un père médecin qui a combattu sous la Révolution Française, puis sous la Convention et enfin dans la Grande Armée napoléonienne et de la fille d’un riche négociant en soies de Lyon, Frédéric réchappe de justesse aux maladies infantiles qui emportent la plupart de ses frères et sœurs. De santé fragile bien que vigoureux et volontaire, il passe son bac très jeune, devient docteur en médecine à 22 ans, puis docteur en droit, se rapproche du milieu romantique à Paris, puis présente une thèse de littérature avant d’enseigner l’économie et la littérature comparée à la Sorbonne.

Fils de bourgeois, fréquentant de jeunes bourgeois et aristocrates monarchistes, il avait peu de chances d’être très jeune un républicain convaincu et de s’intéresser au sort des pauvres gens, s’il n’était né dans ce siècle où il nous semble que rien n’était impossible et s’il n’avait rencontré de grandes figures telles que Lacordaire, Lamartine, Chateaubriand et Lamennais.
Lacordaire qui, dès les années 1830, réclamait la liberté d’expression et la liberté de la presse ainsi que la liberté d’enseignement. « Il réclame aussi avec véhémence la séparation de l’Église et de l’État, appelant les prêtres à refuser le salaire du gouvernement et exaltant l’esprit de pauvreté, écrit l’auteur. » De tels propos peuvent étonner dans la bouche d’un prêtre qui écrit également que « la liberté ne se donne pas, elle se prend », si l’on méconnaît la pensée extrêmement moderne de tout un pan du christianisme, paradoxalement libéral et social, qui travaillera en soubassement à la séparation de l’Église et de l’État et à la reconnaissance de la légitimité républicaine en France par la papauté.

Frédéric Ozanam est le rejeton de cette pensée qui synthétise une vision politique et sociale très moderne et le message, selon lui plus que jamais actuel, du christianisme.

« La question qui divise les hommes de nos jours n’est plus une question de formes politiques, c’est une question sociale, c’est de savoir qui l’emportera de l’esprit d’égoïsme ou de l’esprit de sacrifice ; si la société ne sera qu’une grande exploitation au profit des plus forts ou une consécration de chacun pour le bien de tous et surtout pour la protection des faibles, écrit-il. Près de deux siècles plus tard, force est de constater que nous en sommes toujours au même point et que, même si de nombreuses associations viennent en aide aux plus démunis, nous sommes toujours dans la même lutte de l’exploitation du plus grand nombre au profit de quelques égoïstes.

Loin des grandes utopies politiques qui ont mené aux désastres totalitaires qu’a connu le siècle suivant, Ozanam résumait ainsi sa pensée : « avant de faire le bien public, nous pouvons essayer de faire le bien de quelques uns ; avant de régénérer la France, nous pouvons soulager quelques uns de ses pauvres. »

Jacques de Guillebon, Frédéric Ozanam, la cause des pauvres, éditions de l’Œuvre.

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