Livre à emporter : La Survivance (suite)

/« La Survivance » de Claudie Hunzinger

Foin des ouvrages psychanalytico-analytico-didactiques, le second roman de Claudie Huzinger ne moralise pas, ne s’érige pas en critique frontale de la société post-moderne. Drôle, tendre et tragique à la fois, il raconte une double métamorphose. Celle de deux libraires, à l’aube de leurs soixante ans. Celle d’un monde qui perd sa faculté de lire… les livres tout autant que la vie.

Naufragés volontaires, Sils et la narratrice perdent leur librairie. Ils n’ont d’autre choix que de s’exiler dans une masure en ruines, « La Survivance », où ils avaient vécu quelques semaines quand ils avaient 20 ans.
Robinson du XXIème siècle, leur Arche de Noé est perchée quelque part à flanc de montagne, dans les Vosges. Ce qu’ils choisissent d’embarquer : leurs plus fidèles compagnons, les livres, un âne et un chien. La narratrice raconte la transhumance de leur existence, pas seulement par nécessité mais par affinité.
Sils et son épouse engagent alors une lutte pour survivre, comme l’homme primitif mais aussi comme l’homme traditionnel. Les interrogations d’une génération de soixante-huitards, responsables d’avoir rompu la chaîne de la transmission, sont plus justes que jamais.  La volonté de créer un potager avec « Ermites de la Taïga « en poche figure celle, plus profonde, de retisser, loin de la fureur et du bruit de la modernité, la subtile correspondance entre la terre et l’esprit.

En un style fluide et personnel, Claudie Huzinger fait vivre ce massif vosgien qu’elle a rejoint avec son mari, laissant derrière elle l’Éducation Nationale.
Artiste et écrivain, la mort du livre occupe ses œuvres, tout comme la nature, mise en danger par les nouveaux analphabètes, incapables de comprendre un livre ou chasseurs ignares, infichus de « lire l’âge d’un cerf » et l’abattant, même pas adulte.
Elle partage ainsi avec nous son château intérieur, une bibliothèque à ciel ouvert dont les murs et les fenêtres sont les monts enneigés et les bois touffus.
La Survivance invite à partir pour mieux se retrouver. Chronique nostalgique d’un monde qui meurt, ce récit charnel d’une nature vécue en sympathie par la narratrice semble pourtant annoncer les prémices d’une renaissance.


« La Survivance » de Claudie Hunzinger, Grasset, 18€.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.