De Dieu selon Poussin aux saintes images

""Le Louvre inaugure deux grandes expositions autour de l’iconographie religieuse du XVIIème siècle.
En cette période de Pâques, le grand musée parisien offre « une autre lecture » des tableaux religieux de Poussin, peintre le plus illustre du Grand Siècle français, à l’occasion de son 350ème anniversaire.
Toujours dans le hall Napoléon, une seconde exposition permet de comprendre le processus de création des images sacrées, à Paris et à Rome où vécut Poussin à la même époque.

La réforme protestante provoqua une profonde réflexion sur les questions de la représentation des sujets sacrés et sur le rôle des images.
La crise religieuse qui marqua le XVIème siècle permit de s’interroger sur  la place de l’image sainte dans l’iconographie religieuse. Les protestants, jugeant les images profanes, se lancèrent dans une chasse aux images, les détruisant en France et aux Pays-Bas au milieu du siècle.

Les catholiques réagirent vivement tout en se fixant sur un art pieux et plus fidèle à la réalité se fondant sur la légitimité d’une représentation du Christ et de Marie, personnes incarnées.

 Avec « La fabrique des saintes images », en 85 œuvres, le Louvre met en perspective les tableaux d’une France déchirée par les guerres de religion, et une Rome pontificale florissante à l’heure des grands jubilés entre 1600 et 1650. Les tableaux parlent d’eux-mêmes :

– à Rome, Le Caravage, Annibale Carracci, Guido Reni, Gianlorenzo Bernini, Pietro da Cortona conservent le style triomphal, sublimé de l’iconographie
– à Paris, Simon Vouet, Eustache Le Sueur, Philippe de Champaigne ou les frères Le Nain souhaitent réussir la pacification apportée par l’Édit de Nantes à travers une iconographie plus retenue, sans mise en scène.

Préparées depuis des années, ces expositions entrent en résonance avec l’actualité et montrent les raisons pour lesquelles le christianisme accepte les images de Dieu, qui se prête de fait à la représentation en s’incarnant. La réaction de la société et des artistes face à la montée de la Réforme et des iconoclasmes au XVIème siècle est aussi bien expliquée.

Tous ces chefs-d’œuvre devaient favoriser la méditation et la prière. Un maître parmi les maîtres y excella et Le Louvre expose une centaine de ses œuvres :
Nicolas Poussin.

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Poussin (1594-1605), que l’on connaît surtout pour sa dilection pour la mythologie grecque, on le redécouvre à travers un parcours méditatif autour de ses œuvres catholiques éclairées. On découvre, combien fidèle à la tradition catholique d’intégration des grands mythes et des traditions antiques, Poussin se sert des traditions païennes pour les traduire dans le message christique, comme dans les figures d’Orphée et d’Eurydice, préfigurant les noces mystiques entre l’âme et le Christ.
À noter que Poussin peignit deux fois les sept sacrements; huit tableaux considérés comme les œuvres d’art absolues de la représentation chrétienne : en 1640 pour Pozzo, et en 1648 pour Chantelou.
On s’arrêtera sur la série qu’il réalisa à la fin de sa vie,  ce fameuses Quatre Saisons illustrées par des paysages comportant des scènes de l’Ancien Testament, allégories de la vie humaine et de l’Histoire du Salut. Le Printemps ou le Paradis terrestre, L’Été ou Ruth et Booz, L’Automne ou La Grappe de raisin rapportée de la Terre promise, L’Hiver ou le Déluge.

À l’instar des autres artistes de son temps, Poussin méditait. Il écrivit à son ami Stella, à une époque où il était souffrant, une lettre émouvante où l’où voit qu’il tentait de vivre les sentiments de chaque personnage de ses tableaux. Stella lui avait demandé une Montée au Calvaire, alors que Poussin venait d’achever une Crucifixion.
« Je n’ai plus assez de joie ni de santé pour m’engager dans ces sujets tristes. Le Crucifiement m’a rendu malade, j’y ai pris beaucoup de peine, mais le Porte-croix achèverait de me tuer. Je ne pourrais pas résister aux pensées affligeantes et sérieuses dont il faut se remplir l’esprit et le cœur pour réussir ces sujets d’eux-mêmes si tristes. Dispensez-m’en donc s’il vous plaît. »

Les commissaires attirent notre attention sur les tremblements que l’on remarque en s’approchant de certains tableaux : ils sont les signes de l’émotion qui saisissaient les artistes, par trop émus par les souffrances du Christ qu’ils ne cessaient de représenter.

Les pièces exposées viennent du monde entier, une occasion unique de les voir  réunies. Une belle manière de méditer en ce temps de Pâques, dans le sillage de ces maîtres qui sublimèrent le mystère chrétien par leur art.

Une exposition exceptionnelle qui fera date  !

Musée du Louvre, Paris
Hall Napoléon, du 2 avril au 29 juin 2015
Horaires : 9h-17h45, nocturne mercredi et vendredi jusqu’à 21h45, fermé le mardi
Tarifs : 12€ exposition, gratuit -18ans

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