Octobre voit passer à Paris beaucoup d’expositions et d’évènements artistiques en l’espace d’une dizaine de jours. Toute la capitale est en effervescence, le monde y accourt pour la rentrée des arts. C’est le moment des découvertes et parfois des émerveillements.
Je voudrais en invoquer un : une exposition qui a duré à peine quelques jours dans un pavillon du Louvre, un espace privilégié, attenant au Musée des Arts décoratifs. Un lieu tranquille et harmonieux donnant sur le jardin des Tuileries. Le visiteur a pu y voir les œuvres à l’encre sur papier d’une artiste chinoise, Yuhua Souzhi Wang.
C’est une œuvre silencieuse, rayonnante d’une simplicité qui chasse tout discours et laisse place à la contemplation. Je me suis longuement attardée. Qu’ai-je vu ? Des fleurs, des fruits, des oiseaux apparus sous son pinceau fulgurant, en quelques traits. Rien de plus que ce que nous voyons au quotidien, par la fenêtre où sur la table… à condition d’y prêter une attention amoureuse. Yuhua Souzhi Wang a le talent rare d’évoquer la résonnance intérieure de la beauté du monde. Une telle maîtrise suppose d’avoir hérité du savoir et de la sagesse d’une tradition millénaire. Elle se réclame d’une lignée bien particulière de la peinture chinoise dont elle aime à citer quelques noms, sa famille picturale… ceux des huit « excentriques de Yangzhou», de Zhū Dā peintres du XVII ème siècle, de Shitao au XVIIIème, de Wu Changshuo, Huang Binhong, Qi Baishi, Chen Zizhuang au XIX et XXème. Elle apporte sa contribution à cette peinture libre, en explorant de nouveaux mondes: ici c’est celui de la troisième dimension propre à la peinture académique occidentale qui porte Yuhua Souzhi Wang a rendre le relief par d’autres voies et une grande économie de moyens : de l’encre, un unique coup de pinceau, de la couleur vive. En contemplant ses œuvres, l’œil perçoit avec plaisir le volume des objets, sans que ne soit interrompue pour autant l’essentielle fluidité de l’image. Sa peinture exprime le paradoxe, marie l’espace et le temps, l’ombre et la lumière. Son pinceau trempé dans l’encre nous emporte dans une autre dimension de l’être.
Sans calcul, ni théorie Yuhua Souzhi Wang a introduit silencieusement dans la peinture de tradition chinoise un des éléments fondamentaux de la peinture occidentale. Yuhua Souzhi Wang, est née, en Chine en 1966 au début de la Révolution culturelle maoïste qui a tant détruit la peinture des maîtres de la peinture à l’encre. Quand les frontières se sont ouvertes, elle a rejoint l’Amérique pour y faire de brillantes études universitaires en Sciences Humaines. Elle a découvert paradoxalement sa vocation de peintre en terre américaine. C’est un public occidental et cultivé qui a reconnu son exceptionnel talent. Elle est considérée comme ayant accompli un passage entre deux civilisations, sans renoncement ou trahison de l’une ou l’autre. Emprunt naturel, adopté, assimilé… son œuvre scelle un partage amoureux de biens civilisationnels
J’ai été surprise en observant le public essentiellement français parcourant cette exposition…
On percevait son étonnement à la vue de la première œuvre, en haut d’un grand escalier, puis le temps semblait s’arrêter, le silence se faire. Chaque peinture, retenait exceptionnellement l’attention. Au deuxième étage les visiteurs semblaient évoluer sur un nuage, libérés de toute contingence. J’ai interrogé et recueilli quelques échos : chacun semblait dire avoir vécu une expérience intérieure que les mots peinent à décrire.
- Marguerite d’Espalion
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