Patrick Tudoret aura mis près de trente ans à déclarer publiquement sa flamme à Juliette Drouet. Et il le fait avec une maîtrise bouleversante.
Son regard bleu de mer s’illumine quand il s’arrête quelques instants sur le bandeau parant la couverture de sa Juliette, belle reproduction d’une peinture du visage de celle qui partagea discrètement la vie de Victor Hugo, par Charles-Émile Champmartin, peintre romantico-orientaliste de l’époque.
Docu-fiction, journal ou mémoire autobiographique ? Qu’importe, l’auteur préfère parler de roman où toute ressemblance avec des personnages ayant existé est bien réelle, charpentée par ses recherches d’archives parmi les vingt mille lettres et messages que Juliette Drouet adressa presque quotidiennement à Victor Hugo pendant un demi-siècle d’amour fou partagé.
L’originalité de l’œuvre réside dans une réussite littéraire : celle de l’écrivain qui épouse tellement la pensée de son héroïne qu’il s’efface à son profit, et lui confie sa plume. Elle laissera alors libre cours à une histoire d’amour qui, – bien éloignée du cliché de la vestale préposée au culte du grand homme -, apporte le frisson palpitant attendu par tout lecteur de roman.
Entre agitations politiques, exils renouvelés, drames et tragédies familiales, infidélités de l’un et indulgences de l’une, « Mademoiselle Juliette », petite actrice de théâtre reconnue par la suite, va trouver, dans cet amour qui la lie à Victor Hugo, la mesure entre effacement et influence. Elle va tenir sa juste place.
En lissant les tensions familiales, en accompagnant les travaux d’écriture de son « Toto », « Juju » gagnera finalement la place de première dame dans la vie du chef de file du romantisme français. Et en pleine lumière.
De l’homme qu’elle n’a cessé d’aimer et chérir, elle aura connu tous les secrets, les ombres et les vérités, créant de toutes pièces ce couple légendaire de deux destins hors normes qui triompha de toutes les épreuves.
Avec cet ouvrage atypique et enlevé, vision renouvelée de son égérie à plus d’un siècle d’écart, Patrick Tudoret fait renaître celle qui se disait être née une deuxième fois, à 26 ans, lors de sa première nuit avec Victor Hugo.
Portrait d’une femme ardente, qui resta fidèle à ses convictions et à ses ambitions, dont le destin exceptionnel résonne avec l’histoire du XIXe siècle, autant qu’il touche à la modernité tant Juliette sut affronter avec brio la notion très actuelle de «famille recomposée ».
En ces temps tourmentés où l’hystérie néo-féministe joue un rôle de premier plan, ce livre réjouissant est une leçon de vie. Il est la preuve éclatante que le véritable amour existe à jamais.
Catherine Distinguin.
Patrick Tudoret, Juliette. Victor Hugo, mon fol amour – Éditions Tallandier – 270 p. 18,50 €.
Poster un Commentaire