Hier, épreuve du baccalauréat général. Ceux qui choisissaient la spécialité « arts plastiques » ont eu des sujets très, mais alors très différents de ceux, disons de l’année 1978 : tout tenait alors en une ligne « dessinez votre chaussure». Imaginez la rigolade : chacun, nu pied nu patte, avec sa chausse sur la table et les galoches de Van Gogh en tête. C’était une épreuve vraiment plastique, permettant de juger des capacités manuelles mais aussi de mise en scène car il était possible de planter le décor de son petit soulier, façon Magritte par exemple… Les résultats furent fort variés : « Chose vue » aurait dit le père Hugo.
Mais nous sommes en 2023, ça ne rigole plus. Le matériel autorisé se limite à 3 feuilles de papier machine blanc A4, papier brouillon : on ne dessine plus, on pense, précisant que calculatrice et dictionnaire sont interdits.
Le sujet consiste en une « analyse méthodique d’un corpus d’œuvres » propre à mener une « réflexion personnelle » sur « l’axe de travail suivant » : « la représentation et son rapport au réel ». Comme il y a ce corpus d’œuvres et aussi des annexes, qu’il faut traiter entre un sujet A et B au choix : ne pas se prendre les pieds dans le sujet ou le sabir dans lequel est rédigé l’épreuve, c’est une autre grande différence avec 1978.
Corpus et concepts
Sujet A : « faire œuvre face à l’Histoire : décorer ou combattre ? ». Avec cette cornélienne question l’élève (de 18 ans) doit « développer un propos personnel argumenté et étayé sur la posture de l’artiste dans la guerre ». L’historienne que je suis se demande immédiatement mais laquelle, quelle guerre ? Le contexte humain, ça compte, non ? J’y suis : il doit s’agir du concept de guerre ! Etrange « décorer ou combattre » évoque plutôt la remise de légion d’honneur à certains despotes dont l’action nocive serait pourtant à réprimer. Mais ironiser avec ceux pour qui « décorer c’est combattre » est à déconseiller, le candidat n’est pas là pour montrer sa liberté d’interprétation mais prouver qu’il sait se configurer : oui mais à quoi ?
Voyons donc le sujet B : à partir d’une œuvre du corpus de la première partie (vous suivez, j’espère !) il faut rédiger une note d’intention pour un projet d’exposition, avec ses « modalités envisagées ». Là encore, une expo dans quel contexte, petit musée(?), grande institution (?), comment déterminer des modalités sans contexte ? Il doit s’agir d’une exposition hors-sol, bref du concept d’exposition. Quand surgit un piège, une pure vacherie : il faut en plus obligatoirement « s’inspirer du titre : Décors » !
Voyons donc le corpus : y figure un extrait du célèbre entretien de Picasso qui se conclut par « la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi ». Ok mais s’y ajoute les nymphéas de Monet, les amandiers en fleurs de Van Gogh, un « sans titre » abstractisant de Joan Mitchell (vous sentez l’ambiance de guerre ?) et une double photo d’Eric Baudelaire, commande du Cnap, intitulée « Des détails affreux ». Là, l’atmosphère est belliqueuse mais la légende précise que la photo, prise à Los Angeles, est une mise en scène dans un décor de western : donc c’est un conflit fictif, une vérité « alternative » !
Vous avez 3h30.
Christine Sourgins
Poster un Commentaire