Vergès versus théâtre

Jacques VergèsTout plaideur n’est-il pas un peu comédien ? Les effets de manches de l’homme de prétoire ne relèvent-ils pas du jeu dramatique ? Lorsqu’on s’appelle Jacques Vergès et qu’on a prouvé tout au long de sa carrière qu’on est un vrai plaideur plutôt qu’un technicien de la justice, en ce sens, oui, cette présence sur la scène de la Madeleine ne désarçonne qu’à moitié.

Gilet rouge et col mao, baignant dans le halo de son cigare, « l’avocat de la terreur » fait face à ses juges d’un soir. Le public.

Il se retourne sur 60 ans de plaidoiries et, partant, se justifie pendant une heure et demie. De la défense de rupture qu’il inaugura pendant la guerre d’Algérie en faveur du FLN à la défense de Klaus Barbie (sur laquelle il se tait pudiquement mais évoque nécessairement en filigrane), le rhéteur mêle  et entremêle tout ; Antigone et les terroristes du FLN, Dostoïevski et les infanticides, la littérature et la triste réalité…

Visiblement hanté par les figures fantomatiques des criminels défendus, il se sert de formules à l’emporte-pièce telles que : « il y a les encore innocents et les déjà coupables. », ou de réflexions sur le crime en tant que remise en cause de l’ordre du monde pour légitimer la défense de tous. Finalement, maître Vergès montre qu’il croit le contraire de ce qu’il dit tout haut quand il affirme que l’esprit ne souffle pas dans le crime mais dans le procès.

On n’ira pas au théâtre de la Madeleine pour la prestation théâtrale, le jeu de l’acteur un peu bafouillant se révélant bien pauvre. Restent des instants incarnés : un homme au crépuscule de sa vie qui use de la scène (médiatique) non plus comme d’un prétoire, mais comme d’un exutoire.

Serial plaideur, de et avec Jacques Vergès, Théâtre de la Madeleine, 19, rue de Surène, Paris-8e. Métro Madeleine. Tél. : 01 42 65 07 09.
A 18 heures et 21 heures le dimanche ; à 21 heures le lundi. De 12 € à 28 €.