Redécouvrir de Chirico

Cela faisait vingt-cinq ans que l’œuvre de Giorgio de Chirico n’avait pas été présentée à Paris mais selon Fabrice Hergott, « plus de vingt années sont souvent nécessaires pour que l’œil se transforme. »

Ainsi notre appréhension de l’œuvre de Chirico a-t-elle évoluée ? C’est ce que l’exposition du Musée d’Art Moderne de Paris porte à croire, laquelle présente l’œuvre chiriquienne dans sa totalité, sans laisser dans l’ombre aucune période de l’artiste qui, en soixante-quinze ans de travail, a sauté de la période « böcklinienne » aux replays en passant par la métaphysique, le surréalisme et un néoclassicisme mystérieux. Car les toiles les plus célèbres de l’artiste italien sont sans aucun doute celles de sa période métaphysique au cours de laquelle il se rapprocha du surréalisme, celles qui enchantèrent Apollinaire puis Max Ernst, Picabia, Breton et les autres. Ce sont les toiles de couleurs crues, irradiant une lumière brute, un jaune épais méditerranéen faisant songer au soleil des tragédies grecques et des guerres romaines, des toiles mêlant mystique, métaphysique et mythologie, hantées par les figures du devin, d’Ariane, d’Œdipe, d’Hector et Andromaque ; des toiles sur lesquelles reviennent avec l’insistance obscène des rêves, des arcades désertes et des places où trônent des statues en silhouette. C’est aussi l’époque des hybrides, ces mannequins sans visage, véritable leitmotiv chiriquien.

De Chirico classique ?

En 1926, André Breton, coutumier de ce genre d’excommunications, accuse Giorgio de Chirico de « régression anti-moderniste » et exclut sa nouvelle manière de peindre du surréalisme. Il a entre-temps établi un acte de décès de l’artiste et mis en scène son enterrement. Ce fait a son importance dans le développement de l’œuvre de l’artiste désavoué et plus encore dans l’accueil du public et de la critique car il a laissé une suspicion, dont nous avons du mal à nous défaire, sur l’œuvre pourtant pléthorique de Chirico après les années 1920. Que le Musée d’Art Moderne n’ait pas fait l’impasse sur cette période, la plus longue, du peintre italien, mettant au contraire l’accent sur le retour à une peinture classique qui fut longtemps incompris et renié, est déjà une avancée certaine vers l’acceptation de l’œuvre chiriquienne. Et si le brusque revirement du peintre d’abord affilié au surréalisme vers les grands maîtres classiques, son appropriation de toiles de Raphaël, Michel-Ange, Fragonard, Watteau etc, puis sa période néo-baroque et celle des replays dont l’infinie reprise d’un même thème et de mêmes toiles firent l’admiration d’Andy Warhol demeure pour nous largement mystérieux, c’est peut-être qu’il faudra vingt ou trente ans de plus pour vraiment le comprendre. Quoi qu’il en soit, cette exposition ouvre grand les portes au questionnement d’une œuvre aussi vaste qu’étonnante.

Pratique :

Giorgio de Chirico la fabrique des rêves du 13 février au 24 mai 2009.

Musée d’Art Moderne 11, avenue du président Wilson 75016 Paris

Ouvert tous les jours de 10h à 18h, nocturne les jeudis jusqu’à 22h, fermé les lundis et jours fériés.

Renseignements : www.mam-paris.fr / 01 53 67 40 00

Tarifs : 11 euros TR : 8 euros ; Tarif jeune (13-26 ans) : 5,50 euros

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