Apprentissage et Éducation nationale : Et si l’on parlait de l’intérêt des enfants ?

 

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Comme tout pouvoir monopolistique, l’Éducation nationale et son personnel ne peuvent concevoir et admettre que la formation initiale puisse être dispensée autrement et ailleurs qu’en son sein et que toute personne, pour devenir un individu accompli, ne doit obligatoirement parcourir toutes les étapes du cursus scolaire. Peu importe si le jeune ne se sent pas en phase avec les méthodes pratiquées ou les programmes enseignés.

Il faut que, jusqu’à un certain âge, ici 16 ans révolus, l’élève soit maintenu dans ce moule, qu’il y réussisse ou pas. Après, son avenir n’est plus du ressort de l’Éducation nationale et elle peut alors s’en désintéresser quel qu’en soient les conséquences. Elle ne se pose jamais la question de savoir si sa pédagogie est en adéquation avec la forme d’intelligence de l’élève, si cet élève a les aptitudes à vouloir suivre cette voie ou tout simplement en a le désir. Non, la machine est ainsi conçue actuellement qu’il faut l’alimenter en nombre et que les individualités ne sont plus prises en considération. C’est à eux de s’adapter et non pas au système d’être à leur service.

L’apprentissage est une formation initiale en alternance dispensée essentiellement par les branches professionnelles. Le jeune signe un contrat avec l’entreprise formatrice qui lui assure ainsi un statut salarié durant toute la durée du contrat. Un organisme ou centre de formation pourvoit au complément tant au point de vu professionnel que pour la culture générale.
Actuellement, plus de 60.000 jeunes sortent actuellement de notre système scolaire sans aucun diplôme, sans qualification ou formation. Les différents dispositifs de remédiation mis en place peuvent effectivement palier à cette carence en les prenant en charge et en les amenant, grâce à des stages et des formations complémentaires, à un certain niveau de qualification.  Mais outre les coûts de ces formations, le maintien de ces jeunes souvent désorientés (dans tous les sens du mot) et surtout le public visé font qu’il est difficile de convaincre, persuader et maintenir ces jeunes dans ces dispositifs, ce sont ensuite les possibilités d’insertion dans la vie professionnelle qui demandent surtout un effort d’accompagnement pour une réussite qui n’est pas toujours au rendez-vous.

Le grand intérêt de l’apprentissage est que le jeune, pris en mains par la structure de l’entreprise et du CFA, est tutoré pendant toute sa période d’apprentissage par un encadrement qui lui assure non seulement un métier, donc une intégration professionnelle, mais aussi concourt à son intégration sociale tant pas l’acquisition d’un savoir-faire que par le sens de l’autonomie et de la responsabilité dans la vie. Si, auparavant, l’apprentissage avait pour domaines habituels les formations élémentaires du type CAP ou BEP, depuis la loi de 87, il a ouvert son champ d’application aux formations supérieures.
Actuellement, plus de la moitié des 700 diplômes proposés répartis dans 68  groupes de spécialités  conduisent à des niveaux post bac, BTS, licences ou maîtrises. C’est dire l’évolution de l’apprentissage dans ces domaines. Et de fait,  plus de la moitié des élèves en apprentissage ne se cantonnent plus maintenant à un seul diplôme comme CAP ou BEP. Ils s’engagent dans une poursuite d’études qui va jusqu’aux niveaux III, II et I.

Il serait temps de considérer que la réussite d’un enfant n’est pas uniquement conditionnée par sa poursuite d’études dans un établissement scolaire et de le pousser, volens nolens, le plus longtemps possible alors qu’il n’en retire pas le moindre bénéfice. Avec pour but avoué d’arriver à cette fameuse limite fatidique des 16 ans.  Alors de même qu’il y a des enfants qui passent leur baccalauréat à 15 ans, de même il existe aussi des élèves dont la forme d’intelligence n’arrive pas à s’épanouir totalement dans le mode d’enseignement dispensé de façon principalement déductive. Cette forme motive moins l’élève qui préfèrera  un enseignement plus inductif, allant du concret à l’abstrait.

Une fois pour toutes, il faut comprendre que tous les enfants ne sont pas identiques. Il existe des intelligences plus pratiques qui ont besoin, pour comprendre et assimiler, d’avoir un support plus concret, quitte à l’éclairer ensuite par la démonstration théorique. La nature est ainsi faite et la variété des cas en fait justement sa richesse. N’oublions pas que si l’apprentissage à 14 ans est devenu un sujet d’actualité, c’est que l’Éducation nationale, en dépit de tous les moyens mis à sa disposition et malgré l’objectif qu’on lui avait assigné, n’a pas pu ou su donner à l’ensemble des enfants qui lui été confiés une réponse adéquate à leur situation et à leur espérance de formation. Une fois encore, sous couvert de prendre la défense des intérêts du jeune, non seulement on le cantonne dans une sorte de ghetto scolaire dont il n’a aucune chance de pouvoir sortir par le haut avec les méthodes actuelles mais plus grave encore, on favorise cette spirale de l’échec et, à travers ces échecs répétitifs, on cristallise un ressentiment diffus vis à vis de l’institution, ressentiment qui se transforme en révolte. Il serait vain d’opposer deux méthodes d’enseignement qui, au contraire, doivent être complémentaires et apprendre à faire travailler des systèmes (Éducation nationale et organismes consulaires) en partenariat pour le plus grand profit des élèves.

Il est évident que l’on soulève ici la question de savoir comment est abordé dans les établissements scolaires le problème de l’orientation. Comment y sont associés les parents et les élèves, les y préparent-on, leurs choix sont vraiment pris en compte ? Quelle est la considération que peuvent avoir les enseignants des filières générales vis-à-vis de la voie professionnelle et en particulier de celle de l’apprentissage ? En conseils de classe ou en commissions d’appel, l’apprentissage est trop souvent dénigré, parfois même combattu, mais la plupart du temps déconsidéré et proposé qu’en ultime recours. Pourtant, sortis enfin d’un système où ils ne se sentaient plus du tout à l’aise et qui les avait placés à l’écart, il suffit de voir le plaisir manifesté par l’immense majorité de ces jeunes apprentis, heureux de pouvoir enfin satisfaire leurs véritables envies et d’exprimer un réel talent dans les métiers les plus variés.

Rémi Bonnevialle

Ancien responsable académie de Créteil, Fédération de Parents d’élèves PEEP
Ancien membre du Conseil Économique et Social Régional d’Ile de France, CESR
Rapporteur du rapport ’’ L’apprentissage dans les dispositifs de formation en alternance en Ile de France’’  consultable  sur le site www.cesr-iledefrance.fr

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