Alfred de Musset, la grâce obstinée

/Pour célébrer l’année Musset, né le 11 décembre 1810, un très joli petit essai nous permet d’entrer dans « la grâce obstinée » du poète romantique. Un élégant mélancolique, épris de légèreté comme d’une valeur absolue.

Né en décembre 1810, Alfred de Musset est né trop tard. Trop tard pour les gloires des campagnes napoléoniennes, trop tard pour le panache de la monarchie…
En délicatesse avec le courant romantique et les poètes du Cénacle, il fait profession de poésie. Un point c’est tout. Il se méfie des grandes théories littéraires, de l’engagement politique, des idéaux. Cette impression de vivre sur des ruines, dans un monde d’artifice, lui inspire la légèreté.
Il se méfie de la grandeur. La légèreté comme règle de vie, de poésie. Une légèreté qui fait de lui l’héritier de l’esprit français. Lui, le dandy élégant.

Dandy épuisé par un appétit de vivre qui confine au suicide, il pratique un hédonisme singulier; celui  de l’alcool, des drogues, des femmes, un peu à l’image du personnage de Rolla, ce jeune homme de 19 ans, une belle âme qui descend aux enfers.
Où il s’agit de quitter la vie sans y renoncer.

Il rejette les formes grandiloquentes du romantisme, tout en étant lui-même fort élégiaque – la mélancolie comme profession de foi, celui de l’homme moderne qui ne possède plus d’adjuvant au vide. Il n’a pas quarante ans lorsqu’il fait graver son épitaphe :

« Le seul bien qui me reste au monde
Est d’avoir quelquefois pleuré. »

Amant tourmenté de Georges Sand, cette passion dévorante permet à l’écrivain de se révéler à lui-même. Pendant et après cette relation tumultueuse, les oeuvres majeures théâtrales de Musset (Lorenzaccio…) virent le jour.

Mais « On ne badine pas avec l’amour ». C’est un jeu tragique qui peut mener à la mort de l’autre. Voilà ce que disent ses textes.

Il est le  grand dramaturge du romantisme mais bien plus que cela : il est l’inventeur du théâtre moderne.  Il écrit dans une totale liberté car il n’écrit pas pour la scène mais pour être lu. Pour autant, l’intensité est telle dans ces textes, qu’elle est naturellement tournée vers la scène. Lorenzaccio stimule le théâtre comme jamais car la mise en scène devient une gageure.

Héritier de toute l’histoire du théâtre, il a l’intelligence de défendre le théâtre classique et parodie Shakespeare d’une manière magistrale et unique avec Lorenzaccio.
L’être mussetien est pluriel, les doubles sont omniprésents et représentent les contraires qui habitent les personnages. Mais aussi les phénomènes de dédoublement de la personnalité chez Musset, comme cette crise dans la forêt de Fontainebleau, en compagnie de George Sand, où il voit passer un jeune homme qui n’est autre que… lui !
Il faut passer par la médiation du masque pour atteindre la vérité. En cela encore, il s’inscrit dans la grande tradition théâtrale issue de l’Antiquité.

Un essai pétri de sensibilité qui effleure l’âme d’un poète à l’âme meurtrie dont la légèreté revendiquée était une forme d’espérance.

Emmanuel Godo
Une grâce obstinée, Musset
Cerf, Coll. Histoire, 2010, 218 p., 22 euros.

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