Bertrand Méheust, philosophe de formation, est l’un des meilleurs historiens français des « sciences psychiques ». Il a publié plusieurs ouvrages de référence dont une somme énorme, exigeante et savante : Somnambulisme et médiumnité (1999, 2 tomes), puis une biographie remarquée du voyant Alexis Didier en 2003.
Aujourd’hui, avec Les Miracles de l’esprit. Qu’est-ce que les voyants peuvent nous apprendre ?, il nous plonge au cœur de la ‘voyance’. Ou, pour mieux dire, des mécanismes psychiques relatifs aux prédictions.
C’est passionnant, rigoureux et richement documenté. Car l’auteur possède à la fois une solide culture philosophique et une expérience de terrain dans le domaine parapsychologique.
Selon sa thèse, l’esprit humain jouit d’une faculté consistant à savoir les choses cachées, éloignées, dans l’espace ou dans le temps, déclinées en des formes multiples au cours de l’histoire.
Au terme de son travail, Bertrand Méheust revisite l’anthropologie française du XXe siècle en constatant que l’on a souvent niée en bloc – désignée sous le vocable de ‘métagnomie’ – au nom d’une rationalité occidentale mal comprise.
Selon lui, un Claude Lévi-Strauss a donné une image déformante et déformée de la pensée sauvage, des facultés métapsychiques des ‘sociétés premières’, non superposables à la scientificité de leur lecture du monde mais synchronique à elle. La métagnomie serait un fait permanent de la vie psychique depuis le paléolithique. Il constituerait un « autre ordre » du réel que notre hyper rationalisme ne saurait évacuer.
Ses positions sur le rôle et le statut de la mémoire chez Proust sont passionnantes et, me semble-t-il, très pertinentes. L’auteur de la Recherche du temps perdu, pourtant assez éloigné de préoccupations métaphysiques, connaissait les théories d’Henri Bergson (dont il était le cousin) sur la mémoire et la temporalité, philosophe qui s’était longtemps passionné pour les recherches psychiques.
Reste un point sur lequel nous nous sentons en droit d’engager le dialogue avec l’auteur : les facultés paranormales, bien que rares et circonscrites, seraient des faits prouvés ou, du moins, des événements connus grâce à des analyses selon des procédures scientifiques rigoureuses, depuis le XIXe siècle.
Les sociétés d’études psychiques européennes (de Londres à Paris) auraient grandement contribué à discerner le vrai du faux en ce domaine. C’est, selon moi, un optimisme prématuré. Je ne suis pas sans savoir le manque de moyens résultant d’une absence de politique volontaire en matière de recherches sur le ‘paranormal’, notamment en France.
Mais, en dépit des chaires universitaires européennes (Écosse, Angleterre, Allemagne, etc.), parfois prestigieuses, les résultats sont loin d’être à la hauteur des espérances. Et bien intelligent celui qui rendra compte de façon ‘scientifique’ de la paranormalité ancienne ou contemporaine.
Avec son intelligence communicative, sa rigueur intellectuelle, son savoir précis et méthodique, et malgré un style quelquefois rapide, cet ouvrage devrait contribuer à mieux situer la parapsychologie parmi les ressources intérieures de l’homme encore méconnues.
Bertrand Méheust, Les Miracles de l’esprit. Qu’est-ce que les voyants peuvent nous apprendre ? Les Empêcheurs de tourner en rond/La Découverte, 2011 ISBN 978-2-35925-042-8, 19 euros.
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