La fête est finie

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Pour Olivier Maulin, « la fête est finie » ! Découvrez le monde tel qu’il est dans son dernier roman.

Lorsque l’esprit tragique, par le pathos fasciné, ne peut détourner son attention, et se laisse absorber par ce qu’il perçoit en poussant des hurlements de frayeur et de rage, l’esprit comique, non moins horrifié ni blessé, parvient cependant  à pousser plus loin son regard pour faire éclater le rire. La première réaction que l’on peut qualifier de primaire, est celle de l’instinct, celle de l’enfant, de l’animal et des êtres hypersensibles – d’aucuns disent sérieux. La deuxième, est une réaction de sagesse, peut-être, et de maturité – d’insensibilité relative diront d’autres – qui n’est pas donnée à tous, qui nous est parfois impossible. A-t-on vu beaucoup de nos concitoyens tourner en farce comique les attentats de Paris ? Il n’est pas sûr, même, que les « comiques » accrédités s’y soient beaucoup essayé.
Nous sommes nombreux à réagir comme Rirette, la jeune héroïne du dernier roman d’Olivier Maulin : la bêtise et la laideur du monde contemporain nous font parfois pleurer de rage et d’impuissance.

Nous vivons des temps tragiques, nul ne pouvant prétendre que l’humanité se précipite ailleurs que vers sa propre destruction.
Assistant à une tragédie dont nous avons tous une conscience plus ou moins aiguë de la fin, c’est fascinés par son déroulement implacable que nous nous tenons immobiles, spectateurs groggys par un spectacle effrayant, celui de la fin de notre espèce et de notre monde. Cela rend d’autant plus stupéfiant le fait que certains parviennent à en tirer une comédie. C’est le cas d’Olivier Maulin, qui fait preuve d’une qualité hors du commun : celle de garder ses nerfs devant tant de crétinerie quotidienne qu’il dissèque avec un petit sourire malin pour nous la rendre muée en farce.
« La fête est finie, bande de tarés », comme le crie Dooni dans son roman ; mais pas celle que l’on croit. La fête est finie pour les industriels, les patrons, les promoteurs, les exploiteurs de misère et les destructeurs de la terre, mais elle ne fait que commencer pour ceux qui ont choisi le camp de la résistance.

Nous aimerions vivre dans du Maulin ; à boire du schnaps et de la gentiane fabriqués par Dooni et le père René en dépit des interdictions de l’Etat. Vivre d’amour, d’alcool fort et de grandes rigolades dans un petit coin tranquille des Vosges qui tient du camp retranché, puis défaire des bataillons de CRS à la régulière sur une lande, sous le commandement d’un nabot Grand d’Espagne se prenant pour Napoléon mais plus proche de Don Quichotte sur son canasson de petite taille avec une armée de chevelus anarchistes, hippies, altermondialistes et punks à chien – tout ce que le monde destructeur rebute.

Nous aimerions bien vivre dans un monde aussi joyeux, mais il semble que cela ne soit donné qu’à certains personnages de roman.
Les perdants magnifiques que Maulin engendre, ils n’existent malheureusement nulle part, sinon dans ce monde littéraire qui nous permet d’oublier pour quelques heures la tristesse impitoyable de notre monde poussé à son autodestruction tout en nous faisant envisager une sortie heureuse du tragique. Olivier Maulin est probablement un optimiste, ou un sacré farceur, deux espèces qui ne courent pas les rues. Non pas un bonimenteur ni un être positif mais un homme qui a foi dans un retour à une joie de vivre toute simple. Il semble que cet homme fasse partie de l’espèce particulière qui croit possible un nouveau paradis terrestre sans intervention divine. C’est l’utopie même, car si son pays de Cocagne est cette fois situé dans les Vosges, il a pu l’être en Mayenne, dans Le bocage à la nage ; peu importe le lieu, seuls importent les hommes qui habiteront le lieu ; en matière d’utopie, nous avons connu de plus sanglantes et de moins réjouissantes.
À celle de Maulin qui n’est pas sans rappeler celle de Rabelais, j’adhère comme un seul homme.

Olivier Maulin, La fête est finie, Denoël, 239 pages

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