La traversée des apparences de François Bott

/Digne successeur de Jacqueline Piatier au Monde des Livres, indécrottable journaliste littéraire et écrivain, aujourd’hui heureux retraité, François Bott nous livre à sa façon les mémoires d’une éternelle jeunesse pour qui « L’écriture est un des formes les plus heureuses de la paresse ».

Il faut se méfier parfois des sous-titres. C’est le cas pour le dernier livre de François Botte, La Traversée des jours, lequel donne le ton de ces écrits rappelant allègrement un titre à la Virginia Woolf. En revanche le sous-titre « Souvenirs de la République des Lettres (1958-2008) » annoncerait plutôt un gros pavé de 500 pages, à l’image d’une étude exhaustive sur une période fertile en aventures et en mouvements littéraires. Il n’en est rien.

Le livre de Bott est tout le contraire, léger, allègre et souvent primesautier, caustique aussi, faisant dans l’économie de mots. S’il nous rafraîchit la mémoire, sa Traversée n’en est pas moins rafraîchissante.
Elle commence par son exploration du journalisme à vingt ans, engagé à France-Soir en juillet 1958, le cœur accroché à son panthéon des grands hommes, tels Platon, Descartes, Kant, Kierkegaard, Sartre ou Camus.

Comme il l’écrit d’emblée : « Je ne savais pas encore ce qu’était le renoncement : renoncer à toutes les femmes pour une seule femme, renoncer à Parménide pour la grande presse, renoncer au football pour l’écriture. Je ne savais pas que le renoncement était le directeur de notre existence ».

Le journalisme… de la littérature qui allait vite.

Très vite François Bott prend le pli du journalisme, comprenant que « le journalisme, c’était « de la littérature qui allait vite ».
Il allait savoir aussi qu’avec la presse à grand tirage, il était à l’école du romanesque. Pierre Lazareff, Lucien Bodard étaient alors les modèles de ce journalisme de terrain et de l’humain.
Bott vit la nuit, confronté à « ces heures où le rêve mange la réalité. » Il rencontre Alphonse Boudard, croise Antoine Blondin, sirote avec Roger Vailland, l’ancien correspond de guerre et fréquente avec assiduité Claude Roy et Roger Grenier.
De son passage à L’Express il en tire un portrait douloureux de Françoise Giroud et du clan Servan-Schreiber. Mais grâce à cet hebdo si convoité il rencontre Le Clézio, le jeune premier en littérature qui porte sa beauté comme un fardeau et juge Jean-François Revel à peine arrivé rue de Berri d’un « positivisme borné, balourd et mesquin ».

Ensuite, saut dans l’inconnu auprès de Guy Sitbon, le créateur du Magazine littéraire pour lequel il devient un éphémère rédacteur en chef, obsédé de littérature, avant de rejoindre enfin Le Monde où il y fera sa plus longue carrière.
Cela nous vaut de belles pages brillantes d’amitié et d’admiration, envers Cioran, présenté par Gabriel Matzneff (« Amitié, promenade et philosophie ») ; Louis Nucera (« Il savait organiser le complot de la grammaire et de l’émotion ») qu’il fera venir au Monde des Livres ; Françoise Sagan, Louis Calaferte, Edmond Jabès notamment.
Ce qui le pousse à répéter ce joli mot de Joseph Joubert : « La tendresse est le repos de la passion ».
Cet éloge de la littérature réchauffera les plus pessimistes. Ceux qui pensent que l’homme est trop pressé et trop assoiffé d’images et de mots brefs.

Rien n’est jamais perdu et à fortiori la littérature, telle que la défend François Bott.


La Traversée des jours, souvenirs de la République des Lettres (1958-2008), de François Bott, Éditions Le Cherche midi, 170 pages, 15 €.

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