Pierre Notte le fantaisiste

/Mais qui est donc ce gentil garnement, cet auteur de piécettes qui n’a pas froid aux yeux, s’exhibant même une poêle à frire à la main ou les deux mains posés sur un pianino, le visage impassible, mi sérieux, mi comique, jongleur des mots les plus suaves de la langue française ?

Oui, c’est bien lui, Pierre Notte le polisson, au nom si musical, qui depuis une quinzaine d’années ne cesse de croiser son esprit avec les méandres des mots, traduisant l’intraduisible, se voulant léger comme une plume et ardent comme un enfant. Après Moi aussi je suis Catherine Deneuve (2005), Deux petites dames vers le Nord (2008) ou Les Couteaux dans le dos (2009), le voici qui récidive avec une pièce cabaret digne de la plus métaphorique comédie, La Chair des tristes culs. Endiablés sont les deux actrices et l’acteur serviles qui servent la syntaxe rusée de Pierre Notte.

Tout commence sur une plage. Un transat accueille une jeune donzelle qui n’a pas froid aux yeux et répète sans cesse : « J’ai chaud ». Un jeune gringalet s’avance, incrédule et naïf dans ce qui soudain apparaît comme un appartement, conduit par une vieille fille quelque peu maniaque et obsessionnelle, douée pour la préparation de crêpes. On sent l’approche d’un suicide. Tout se complique et tout s’affine, le garçon entre les deux filles, la mort comme hantise et l’amour comme regret. Entre deux chansonnettes, les acteurs croisent leur petit jeu coquin.
Brice Hillairet avec sa voix feutrée et sensuelle, rappelant le Victor du film de François Ozon, nous intrigue dans sa masculinité meurtrie. La métaphore file encore et l’on entend la blonde parler de « murs aussi étroits que l’anus d’un scout »… et plus loin le locataire se déculotte pour se scalper un morceau de fesse, puis un autre, pour le festin final….

Comédie loufoque ou drame irrationnel ? Jean-Michel Ribes, le patron du Théâtre du Rond-point a bien raison de parler, dans sa préface à l’édition de La Chair des tristes culs, de ce « désir d’humanité dont le charme tendre et anthropophage » opère sur les spectateurs. Car la partition de ce joli répertoire déroute autant qu’elle séduit.

Pratique :


Sortir de sa mère et La Chair des tristes culs
Jusqu’au 9 février à 21h.
Théâtre du Rond-Point
75008 Paris.
www.theatredurondpoint.fr

La Chair des tristes culs,  Un goût d’humanité. Conte à chansons.
Préface de Jean-Michel Ribes. Éditions L’Avant-scène théâtre, 10 €.

Photo : © Giovanni Cittadini Cesi

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