Le féminisme va-t-il tuer les femmes ?

/« Les militantes historiques des années 1970 déplorent que les jeunes filles d’aujourd’hui ne soient plus féministes. La lassitude toute légitime que nous éprouvons devant des combats aussi vains que le changement des règles de grammaire sexistes ou la féminisation des noms de métiers leur semble de l’ingratitude », écrit Eugénie Bastié dans le prologue de son livre Adieu mademoiselle. La défaite des femmes, dans lequel elle répond point par point aux néoféministes qui, à force de s’obstiner à lutter contre un patriarcat oppressant qu’elles ne seraient pas loin d’inventer, passent à côté des véritables combats que doivent mener les femmes aujourd’hui.

Islamisme, transhumanisme, avortement, marchandisation du ventre des femmes, indifférenciation des sexes : tels sont les dangers qui guettent les femmes, donc l’humanité, et que les féministes de religion refusent de voir, arc boutées sur leurs vieilles lunes et, incapables de prendre la mesure des changements qui ne les attendent pas, jetant toute leur énergie dans des combats inutiles sinon tout à fait nocifs. Que Simone de Beauvoir, Simone Veil ou Antoinette Fouque aient été remplacées par Caroline De Haas, Najat Vallaud-Belkacem, Inna Shevchenko ou Anne-Cécile Maillefert donne la mesure précise de l’écueil dans lequel le féminisme a chu. Il n’est plus guère aujourd’hui qu’Élisabeth Badinter qui sache raison garder. C’est que l’intelligence et la perspicacité, contrairement au féminisme, ne s’arrogent pas. Suffit-il d’être homme pour être un oppresseur ? Suffit-il d’être femme, pour savoir ce qu’il faut aux femmes ? C’est ce que les idéologues du féminisme semblent penser. Ainsi donc, avec méthode, elles déconstruisent. D’abord la langue, chacun sachant combien la grammaire influe sur notre manière de penser et d’être. « Surveiller et punir », nous dit Eugénie Bastié qui prend pour exemple ce député de droite privé d’une partie de ses indemnités parlementaires pour avoir appelé Sandrine Mazetier « Madame le président ». Non, nous ne sommes pas dans la Chine de Mao. Pas encore. Le si joli « Mademoiselle » est jugé discriminant. Exit. Interdit. Verboten. Passez votre chemin.

Après la langue, c’est naturellement au genre sexuel que l’on s’attaque. Le genre sexuel est une construction culturelle, une vue de l’esprit, une affreuse trace du patriarcat. Abolissons-le. Nous vivrons des temps nouveaux où chacun sera libre de choisir son orientation sexuelle et ses préférences, dans la plus totale confusion, laquelle doit aboutir à l’indifférenciation et donc à la paix universelle. N’importe quel être doué d’un minimum d’intelligence et du sens de l’observation historique sait que la confusion mène au chaos et à la guerre. C’est pourquoi Mme le ministre de l’éducation nationale mène un double combat de rééducation idéologique et de destruction de l’instruction. De toute façon, l’instruction est inégalitaire. L’homme et la femme, donc, sont remplacés par le queer, l’indéterminé, qui n’a même pas la poésie de l’androgyne, seulement la non-possibilité d’être. Celui qui peut tout être est par définition celui qui n’est rien. Mais peu importe. Le queer est l’emblème de la minorité et de la victime, ainsi appelé à s’imposer, à être déifié et adoré, par un processus classique d’invention du bouc-émissaire. Ainsi donc, le non queer, i.e le genré, dans le technolecte abscons dont la fonction est toujours d’égarer les esprits, devient l’oppresseur, le déviant, le méchant. Tous les moyens sont bons pour l’abolir. A commencer par l’école et le matraquage médiatique.

Le problème est qu’il est une autre minorité que l’on aime victimiser et qui n’est pas du tout d’accord avec cette idéologie de l’indifférencié : ce sont les fidèles de Mahomet. D’où le silence absolu de ces défendeuses (doit-on écrire comme cela, Madame la ministre ?) des femmes, lorsque le patriarcat islamique s’oppose à leur vision du féminisme. Les viols et les agressions sexuelles place Tahrir ou à Cologne en Allemagne ? Des inventions racistes. Le voile ? Une différence comme une autre. Une différence qui arrange bien les grosses marques de prêt-à-porter qui y ont trouvé de quoi augmenter encore leurs chiffres d’affaires. Mais cela tombe bien car ce féminisme dévoyé n’est qu’une des tentacules du capitalisme néolibéral pour quoi tout est bien de consommation, bien à acheter ou à vendre. La femme peut louer son ventre comme elle louerait ses bras, Pierre Bergé n’y voit nulle différence. De la femme, tout peut se vendre, sauf l’amour, la prostitution étant le synonyme de l’oppression du mâle blanc hétérosexuel et dominateur qu’il faut éliminer, tandis que l’utérus est bien pratique pour permettre aux couples homosexuels ou dégenrés d’obtenir leur enfant, ce bien de consommation qu’il n’y a pas de raison de ne pas avoir. Mais tout cela n’est qu’une étape vers le transhumanisme que les prosélytes du capitalisme tout-puissant appellent de leurs vœux. Imaginez un monde où nous n’aurions qu’à jouir et consommer, toute notre vie durant et parmi les êtres les mieux sélectionnés, biologiquement.Quelle merveille, n’est-ce pas ? Et que les grincheux, les frustrés ou les mécontents soient rééduqués. La femme n’a-t-elle pas obtenu tous les droits ou ne sommes-nous pas tous appelés à être des femmes comme les autres ?

En vérité, cet essai d’Eugénie Bastié peut paraître tenir du bon sens le plus élémentaire. Ce qu’il est, et c’est là son mérite, tant le bon sens est devenu la chose du monde la moins partagée. Mais il est surtout très bien documenté, chacun de ses propos étant étayé d’exemples frappants et combien éclairants, puisés dans la littérature ou les actualités, celles qui, justement, nous empêchent souvent de penser et nous assomment de faits inutiles, rendant nos cerveaux imperméables à la logique historique.

Il faut la remercier d’avoir fait ce long travail d’analyse et de recherche qui éclaire nos intuitions en leur donnant du grain à moudre.

 

Eugénie Bastié, Adieu Mademoiselle. La défaite des femmes, éditions du Cerf, 225 pages

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