Les Maisons hantées

Les maisons « hantées » font encore les beaux jours de la littérature fantastique, les choux gras de la presse à sensation, les délices des parapsychologues, des amateurs de paranormal, des aficionados de l’irrationnel, comme les sensations fortes de ceux qui aiment avoir peur. Et ils sont nombreux !

Au début du XXe siècle, des scientifiques de renom (Camille Flammarion, Charles Richet…) se sont mêlés aux charlatans, les initiés aux profanes, les professionnelles de l’étrange aux amateurs d’angoisse, parfois hantés par leur propre peur.

Mais derrière ces récits de revenants, fantômes ou autres esprits frappeurs, aussi innombrables que mystérieux, que se cache-t-il ?

S’agit-il d’illusions, d’hallucinations, de fantasmes ? Notre imaginaire hanterait-il nos demeures ? Ou sont-ce bien des phénomènes réels, objectifs, quantifiables échappant à notre raison et à notre rationalité ?
Il est difficile d’étudier sérieusement cette question, au moins pour deux raisons :

– Les témoignages solides – remontant parfois au Moyen Âge – sont très différents et ne garantissent pas toujours le caractère « sérieux » de leurs auteurs ;
– Il est complexe et aléatoire d’enquêter par soi-même : la plupart des chercheurs restent tributaires d’intermédiaires et, en premier lieu, des récits écrits ou oraux.

Quelques constatations s’imposent.

Les maisons hantées ne constituent pas un seul et même phénomène. Il s’agit plutôt d’une succession ou d’un ensemble de faits localisés dans un même lieu.
Ces faits sont de deux niveaux bien qu’ils puissent tous se produire en même temps.

Les « poltergeits » ou esprits frappeurs (de l’allemand poltern, faire beaucoup de bruit et Geist, esprit) sont plus fréquents qu’on ne le pense, même si en France, ils restent rares. On aurait recensé plus d’un demi-millier de cas depuis la période médiévale, le plus souvent dans un espace clos (maison, appartement, manoir, église…). Traditionnellement, nous percevons les poltergeits comme des coups mystérieux frappés contre les murs, les portes et les fenêtres. Concrètement, les phénomènes sont plus complexes. Sur la base d’une étude recensant tous les cas depuis 1800, deux chercheurs américains, A. Gauld et T. Cornell (auteurs de : Poltergeits, Routledge et Kegan Paul, Londres, 1979) ont dressé une typologie du phénomène :

« Bruits » sans cause naturelle : ce sont les raps ; explosions, bruits de pas, bruits des fenêtres, chants inconnus, cris, pleurs, gémissements, bruits de bris d’objets (mais sans casse !)…
Mouvements mystérieux d’objets légers et/ou lourds : de la vaisselle aux meubles compacts, « pluies » de cailloux, de verre ; jets d’eau et même déplacements de personnes assises ou couchées !
Endommagement ou perturbation des circuits électriques du lieu : bris d’ampoules, allumage inopiné et interruption sans la main de l’homme d’appareils électriques et électroniques ; dysfonctionnement des téléphones…
Présence de « lumières » inhabituelles, de « lueurs » et autres « boules lumineuses » (cité par Pascale Catala, Apparitions et maisons hantées, Paris, Presses du Châtelet, 2004, p. 25).
– Variations anormales de température (en un laps de temps trop court) et variations électromagnétiques, avec « émission d’infra rouges ou d’ultrasons…
Parfums et/ou odeurs pestilentielles dont l’origine reste inconnue et introuvable ;
« Sensations tactiles » évoquant une « présence » dans le lieu, avec son cortège de désagréments : courants d’air froids, picotements, griffures, morsures, étranglements et coups…

Tous les spécialistes le notent : ce sont d’abord les adolescents qui sont sujets aux poltergeists : les êtres dont la sensibilité affective permettrait de produire des « effets spontanés » sur l’environnement, en cas, notamment, de stress intensif.
Enfin, c’est l’apothéose : la rencontre avec un être ou une entité de l’au-delà ou peut-être, projeté par notre inconscient : le revenant. L’Ecosse est longtemps restée la terre des fantômes. L’Angleterre et la France aussi.

Classement des phénomènes :

1. Les revenants des défunts : ceux-ci se manifestent en générale peu de temps après leur mort, à leurs proches ou non.
2. Les cas de « crise » (Pascale Catala, op. cit., p. 31-32) : quelqu’un en danger de mort ou en situation de danger imminent, est « vu » par une ou plusieurs personnes parfois à une distance très éloignée de l’endroit où il se trouve. Cette perception – généralement très rapide – est parfois accompagnée de phénomènes physiques étranges : poltergeists, objets brisés, portraits détachés, etc. Ajoutons que les récits d’agonisants « percevant » les leurs sont pléthores.
À ce sujet, voici un petit fait qui a concerné ma famille autrefois. L’un de mes oncles a été fusillé par les nazis, à l’âge de vingt ans. Son portrait avait été accroché par sa mère (ma grand-mère) sur l’un des murs de l’appartement familial. Chaque année, on avait pris l’habitude de célébrer l’anniversaire de sa disparition brutale.
Une année, on dut remettre cette commémoration domestique à une date ultérieure. Tout était réglé. Le jour anniversaire de la mort arriva. Jusque dans l’après-midi, rien d’anormal ne se passa. Brusquement, ma grand-mère entendit un bruit effrayant dans le salon : elle s’y rendit et constata que le portrait de son fils aîné était tombé lourdement sur le sol ! Tout seul, sans aucune explication raisonnable ! Et le jour anniversaire du décès, la seule fois où personne, depuis l’exécution, n’avait célébré sa fin tragique! Hasard ou fait paranormal ?
Certains évoquent la possibilité d’une communication invisible mais réelle entre agonisants et vivants : des « hallucinations télépathiques ». Sigmund Freud lui-même s’est intéressé à la télépathie. Dans sa perspective, il ne s’agit pas d’un fait extraordinaire ou paranormal mais la projection d’un désir refoulé permettant une forme de communication. Il précise que, selon lui, son intensité est inversement proportionnelle à la proximité géographique de « l’émetteur » et du « récepteur », et à leur connivence affective : plus ils s’aiment et plus ils ont de chance de communiquer !
3. Les fantômes d’animaux : des faits semblables sont allégués en nombre : chats, chiens, chevaux, loups, etc. Il est inutile de s’étendre que le rôle important que jouent les bêtes dans les cultures et folklores. Au Moyen Âge, on pensait par exemple qu’un chien apparaissant sous une forme fantomatique était un enfant mort sans baptême.
4. Les apparitions d’êtres vivants : cette forme de hantise n’en est pas vraiment une ! Il s’agirait davantage de cas de « bilocations » (don de se trouver en deux endroits au même instant) ou de matérialisation des corps. C’est le « double » qui nourrit depuis toujours l’imagination des écrivains et des conteurs.

Ainsi, une maison peut être dite « hantée » selon divers critères. La psychanalyse le sait : la maison, symbole féminin par excellence, recèle trésors et secrets, parfois cachés et inavouables. Il semble indéniable que les conflits inter humains et autres formes de mal être occupent une place de choix dans l’élaboration des processus de hantise. Ne dit-on pas qu’un intérieur est à l’image de ses occupants ?

Patrick SBALCHIERO

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