Gran Torino

Seulement quelques mois après le succès de son précédent film The Changeling qui relatait le combat mené par une mère contre la police de Los Angeles à la suite du rapt de son petit garçon et tout fraîchement récompensé par une palme d’or de Cannes pour l’ensemble de sa carrière, Clint Eastwood revient avec un projet différent et encore une fois de plus véritablement surprenant de sa part. Petite explication.

D’abord il y a ce titre assez énigmatique. Gran Torino est en fin de compte un modèle Ford, automobile typiquement américaine et qui à partir de laquelle se déploie l’intrigue du film. En effet, à la suite d’une tentative de vol sur cette somptueuse voiture commise par le fils de ses nouveaux voisins, Walt Kowalski va voir son existence bousculée. Veuf, occupant sa retraite à boire seul ou avec quelques rares fréquentations, ou bien à ressasser ses souvenirs atroces de guerre de Corée, Kowalski est le parfait représentant de cette Amérique raciste, irascible et en proie aux préjugés les plus primaires. Pourtant entouré d’immigrés dans son quartier de Detroit, il ne veut admettre la vérité de la diversité et du cosmopolitisme. Certain de ses valeurs, il montre les dents, aboie et pointe son fusil sur le monde qui l’entoure( gros plans sur son visage fermé et agressif) . Cependant, cette existence guidée par la peur d’autrui et l’intolérance ne va pas tarder à s’écrouler quand il défend Tao, celui-là même qui avait essayé de lui voler sa Ford, contre un gang du secteur désireux de faire rentrer la jeune homme dans ses rangs. Dès lors, remercié par la famille et touché par la sœur de Tao( qu’il sort également d’une altercation avec un groupe de jeunes) le vieil homme au fil des jours, va faire éclater ses barrières, révélant ainsi son humanité qui ne s’était jamais vraiment manifestée .

Parcours initiatique, formation humaine pourrait-on dire. Mais critique virulente aussi. Car il ne faut pas oublier que Walt Kowalski est un de ces personnages que Clint Eastwood a eu l’habitude d’incarner et qui l’ont popularisé au près d’un très grand nombre de spectateurs. Citons juste l’inspecteur Harry, flic cow-boy des années soixante-dix aux manières expéditives, violent, pétri de clichés et surtout peu enclin à quelque réflexion profonde sur sa propre condition. C’est donc amusant de constater comment le réalisateur, avec l’âge, et peut-être une forme de sagesse, s’est réapproprié cette représentation pour mieux la surpasser. Jamais Clint n’aura été aussi loin avec Eastwood, profitant d’une paire d’heures pour portraiturer avec ses pinceaux et ses propres armes la stupidité d’un monde que lui aussi, de son côté a pu, à travers certains personnages véhiculer.

Du coup, Gran Torino, apparaît comme une œuvre profondément intègre et indiscutablement libre. Peu d’artistes ont le cran de se saisir d’un sujet aussi épineux que le racisme et de le traiter avec autant d’humour et de finesse. Peu d’artistes ont également le courage de tourner en dérision une partie de leur propre parcours. Et enfin, peu de films parviennent à faire passer du rire aux larmes sans pour autant que l’un prenne le pas sur l’autre. Tranche de vie, leçon magistrale : celle du dépassement de soi, du refus de la facilité, du prix de la justice, du délaissement de la violence au profit du dialogue, et peut-être par-dessus tout d’une liberté conquise après tant de fuites et de dérobades sous prétexte de valeurs et d’idéaux à défendre. Etre un homme, un point c’est tout.

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