Après plus d’une vingtaine d’années vécues dans le département du Lot, Jean-Pierre Otte, auteur de nombreux ouvrages notamment sur les rites amoureux des animaux, entreprend d’expliquer et de s’expliquer ce qui l’a poussé à s’installer dans ce coin reculé de France.
Parachuté dans l’Arnal, comme il le dit à propos de tous ces gens venus repeupler la région, par désir de changement, par quête d’une autre vie, d’un autre sens, il définit ainsi son appartenance : « être lotois, c’est donc d’abord une disposition d’âme. Une manière de s’accorder au paysage, de se mettre au diapason du temps qu’il fait et du temps qui fuit, de s’imprégner du génie du lieu et de s’en trouver bientôt imprégné par toutes ses fibres. »
Car être lotois, pour lui et pour tous les gens venus s’y installer, ce n’est pas du chauvinisme – lequel serait d’autant plus mal venu pour tous ces « parachutés » – mais une manière d’être et de vivre, dans ce camp retranché qu’est le Lot, demeuré étrangement hors du temps et des assauts de l’époque moderne dans ce qu’elle peut avoir de navrant et de désolant.
« Dans le Lot, ces extravagants se sont repliés sur les causses… »
« Quoi qu’il en soit, étrangement épargné, ignoré, préservé dans son authenticité jusqu’à ces vingt dernières années, le département ne se veut plus aujourd’hui en reste. Les entrées des villes, de Cahors, Figeac ou Gourdon, ressemblent désormais à toutes les entrées de ville en France : nul n’a plus à se sentir dépaysé quand il retrouve partout le même cortège des panneaux publicitaires et des supermarchés. »
Désormais, continue Jean-Pierre Otte, le Lotois se veut de son temps, c’est-à-dire semblable à tous, partie prenante de ce gigantesque univers virtuel, où le réel a si peu d’importance qu’il est égal de l’abîmer.
Aussi, les esprits réfractaires à ce nouvel ordre, les « déserteurs dans l’âme (…) partisans paisibles d’une manière plus exaltante d’être au monde » ont-ils trouvé refuge sur les causses, à l’écart, profitant du silence des terres moins peuplées pour se retrouver en eux-mêmes.
Ce sont les petites histoires de cette population joyeuse et hétérogène que narre Jean-Pierre Otte dans ce livre et, au travers, la manière dont ces reclus volontaires se sont organisés pour vivre autrement que leurs contemporains et finalement d’une manière pas si éloignée de celle dont l’homme a vécu depuis des milliers d’années, en harmonie avec la nature, dans la contemplation et la lenteur.
Sans refuser pour autant le progrès mais l’adoptant davantage comme un outil et non une fin en soi. Conscient également de la difficulté auquel ce refus partiel expose, c’est dans un désir de réunifier son in-dividualité plutôt que de se fondre dans un monde sans identité que cette communauté, qui n’en est une que parce que rassemblée par la même quête, a fait le choix d’une vie différente.
On fait la connaissance d’une peuplade d’originaux et de réfractaires à un système qui voudrait aplatir la conscience ; un petit univers fourmillant d’exaltés et d’excentriques, cherchant par-dessus tout à atteindre, dans un monde où l’on voudrait nous imposer notre manière d’être, « une autarcie intérieure, une autarcie de l’âme. »
Jean-Pierre Otte, Un camp retranché en France, Julliard, 281 pages, 20€.
Voir notre article « Voyage » : Le Lot inspire les artistes : http://www.culturemag.fr/2010/07/05/le-lot-inspire-les-artistes-12/
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