Malgré le peu de clémence accordée par les cieux bretons, la vingtième édition du festival des Vieilles Charrues remporta un succès indiscutable. Plus de 268000 personnes firent le déplacement pour voir des artistes aussi différents que Scorpions, David Guetta, PJ Harvey ou encore Pierre Perret.
Souvenirs et critiques de ce crû 2011.
À peine arrivé sur l’immense site du festival, et après avoir marché de longues minutes, l’œil a peine à croire l’étonnante procession en train de se dérouler. Par dizaines de milliers, des individus d’horizons variés foulent la terre promise, champ ordinaire, qui pour l’occasion se mue en un temple profane, terrain d’élection de ce pèlerins modernes, obnubilés par le plaisir et le partage.
Jouir, profiter: maîtres-mots de cette parade collective, récréation massive, distante de toute inquiétude inhérente au fil des jours. Pareil à une brisure du quotidien, l’événement autorise une nécessaire respiration dans le flot anxiogène des heures.
La musique, parfois prétexte, parfois finalité, happe et focalise la foule de regards délestés du fardeau des contingences. Sur les scènes, se jouent des épopées et des communions intimistes, de larges batailles et de frêles aventures. Mais le public, animé comme un seul homme du souhait de sentir au plus près des fragrances inédites, tend les mains et secoue la tête sans jamais faillir.
Du panorama sonore proposé, que retenir ? Des déceptions (Scorpions, Supertramp), groupes bien sûr rôdés et habiles, mais ne parvenant pas à capter l’énergie de l’audience. Des surprises, ( Asaf Avidan and The Mojos, Jack Johnson, Zebra et le Bagad de Carhaix), autant de figures relativement anonymes, qui ne se reposant pas sur les lauriers de la célébrité se donnèrent sans compter. Des réussites éclatantes (Snoop Dogg, David Guetta, Eddy Mitchell, Yannick Noah), autant de symbioses évidentes entre ferveur collective et brio créatif.
Quatre journées, ponctuées d’instants superbes et de quelques déconvenues, balisées par une énergie inextinguible, palpable à chaque instant. Malgré les éléments météorologiques, la fatigue, les oreilles bourdonnantes, et l’ivresse brutale de certains, rien n’assombrit vraiment la délectation d’avoir participé au festival.
Pareil déluge émotionnel n’a rien d’anodin. Une telle explosion commune, une telle énergie affichée, raconte forcément une histoire. Un récit sociétal, où les corps, enflés de codes et de cadres, renouent avec la possibilité de s’exprimer sans entraves; où
le cœur et l’esprit se libèrent dans le bruit et la fureur, signe des temps, reflet indiciel d’une époque éprise d’individualisme mais toujours portée par le souffle du collectif; dévoilement éloquent des aspérités et des contradictions du visage de la société.
Guillaume Blacherois
Photos : Iglesias et J-M. Roignant.
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