Par Pierre Priolet*
Le salon de l’agriculture a ouvert ses portes une nouvelle fois cette année. L’arrogance de l’argent dépensé frappe les agriculteurs confrontés à des difficultés toujours plus importantes d’une année sur l’autre. L’argent de l’agro-industrie et de la distribution inonde cette manifestation qui se voulait agricole.
Il est évident que nous nous trouvons face à plusieurs agricultures, car si le mot est générique la réalité du terrain est tout autre.
D’un côté un monde hyper privilégié vivant grassement de la Politique Agricole Commune avec comme symbole la Beauce et la Brie avec de très grandes propriétés, qui très souvent n’appartiennent pas à ceux qui les cultivent et qui tirent un profit maximum de toutes les aides Européennes. C’est un monde qui rachète des propriétés pour éviter de mettre en jachère leurs propres terres.
Ce monde-là détient toutes les instances du syndicat majoritaire et font la pluie et le beau temps au Ministère de l’Agriculture. Les plus beaux exemples concrets à leur actifs dernièrement de conflit d’intérêt majeurs est l’obligation pour les agriculteurs et les artisans d’utiliser le Gasoil Non Routier(GNR) qui est subventionné au-delà du raisonnable qui coûte une fortune au contribuable, ce que la cour des comptes par deux fois a dénoncé, alors qu’il est moins performant que le gasoil pétrolier, bien qu’il coûte plus cher que celui-ci.
Le vrai scandale vient du fait qu’il est produit avec des céréales qui viennent en grande partie d’Ukraine. Comme écologiquement plus efficace on fait mieux. Le scandale vient surtout du fait que ceux qui tirent les plus gros profits de cette opération sont ceux qui sont chargés de défendre les agriculteurs. Le plus beau, c’est que les déchets de fabrication de ce carburant vert nourrissent les animaux des éleveurs sous contrats auprès des coopératives, qui sont obligés de les acheter à des prix imposés. La boucle est bouclée.
Je pourrai évoquer ici aussi l’obligation de rachat des graines où là encore les même sont à la manœuvre et enfin par achever le tout, l’accord de libre-échange entre le Maroc et l’Europe où les même sont en conflits d’intérêt majeur car ils ont acheté des propriétés importantes au Maroc qui vont décimer la production de fruits et légumes européenne déjà en difficulté chronique. Le syndicat majoritaire là encore est aux abonnés absents.
Ensuite présent sur le salon, un élevage français sous perfusion complète où plus de 100% du revenu des éleveurs, ne dépend que des aides qui lui est attribué. Des éleveurs dans les mains du secteur agroalimentaire qui dépendent complétement des industriels de l’aliment, ainsi que du secteur vétérinaire. Avec des mises aux normes permanentes qui ne leur permettent jamais de retrouver un équilibre financier qui permette le repos. Les aides toutes jumelées à des contrôles permanents où la peur de ne pas correspondre à la norme exigée rend les agriculteurs fragiles et stressés.
Pourtant aucuns d’entre ne veulent d’aides, ils aimeraient tous que la viande et le lait leurs soient payés au juste prix et être libre de leur choix et retrouver la dignité de leur travail. Ils sont présents sur ce salon et servent de caution au système pour attirer les clients. Leur présence triste sur le salon est inquiétante. Pour les éleveurs et pour les laitiers une accalmie préélectorale des prix a permis de temporiser le mal-être, tous savent bien que dès l’élection passée la situation des prix va encore chuter d’où la gêne des propos entendus dans les allées, mais personne n’est dupe.
Pour les fruits et légumes sur toute l’étendue des halls du salon une modeste pyramide de légumes et trois stands de pommes semblent tellement ridicule au milieu de ce barnum que notre présence semble incongrue. Nous n’existons pas ! Alors que nous sommes au cœur du quotidien des français.
Pour les aliments les plus accessibles, les plus indispensables, notre présence est superflue. C’est un signe fort de mépris ou un signe de notre disparition annoncée.
Les régions du sud de la France qui ne sont pas vinicoles coupent les vergers, les maraichers désespèrent, les territoires découvrent les friches. J’ai traversé une France proche de Paris à l’abandon. Des villages complets sans plus aucuns services publics, où le préfet a pris un arrêté pour permettre aux vétérinaires de soigner les personnes se trouvant sur le territoire.
Mais porte de Versailles la fête continue !
Je suis convaincu de plus en plus que notre avenir dépend intimement de notre relation de proximité avec le consommateur. Nous l’avons perdu en nous laissant entrainer par la grande distribution dans les référencements qui nous imposaient de livrer des fruits immatures dans les rayons des supermarchés qui leurs étaient vendus beaucoup trop cher.
Je vais monter une distribution alternative et solidaire qui payera le producteur prix de revient plus 30% et qui sera géré par une association locale qui répartira le résultat entre les salariés du point de distribution et les consommateurs. Ces premiers magasins verront le jour courant août 2012. J’ai besoin de personnes volontaires pour créer ces associations, c’est pourquoi dès aujourd’hui je lance à tous un appel. L’alimentation est un vrai problème de choix de société et c’est ensemble que nous devons construire l’avenir de nos enfants.
www.consommer-juste.fr
• Pierre Priollet est agriculteur. Après avoir arraché tous ses arbres fruitiers, il cultive les salades.
Il fait une marche de protestation avant le SIA, d’Avignon à Paris, afin d’alerter l’opinion sur l’état de notre paysannerie française et sur la détresse de nos éleveurs et agriculteurs.
Photo © Corinne Brisbois : http://corinebrisbois.com/
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