François Taillandier : fin de La Grande Intrigue

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« C’est à peine commencé. On n’a rien dit. On n’a rien dit du tout. À peu près rien. Ou alors de loin, ou alors en surface. Tout serait à reprendre. « Ce que j’embrasse, en comparaison de ce que je n’embrasse pas, ne fait pas bonne figure… » ».

Ainsi commence l’avant-dernier chapitre de Time to turn, dernier roman de La Grande Intrigue que François Taillandier avant initiée en 2005 et à laquelle il vient de mettre un terme en publiant, comme il l’avait prévu, le cinquième roman en cinq ans.

Il referme ainsi la boucle de son cycle romanesque, même si, comme le laissent entendre les premières phrases du pénultième chapitre du dernier roman, arrivé au bout, l’auteur réalise que ces livres ne sont que les miettes de tout ce qu’il avait pensé, construit et imaginé ; que la fiction, une fois de plus a peiné à suivre la réalité.

Et pourtant, cette fresque romanesque comme on dit, demeurera certainement un important témoignage du début de ce XXIe siècle qui semble être allé trop vite pour qu’on ait eu le temps de l’analyser, ce que seuls quelques diaristes et romanciers ont fait, le rôle de l’écriture étant inextricablement lié au temps qui s’écoule et qu’on ne semble jamais pouvoir contenir.
Dans trente ans, dans cinquante ans, dans un siècle peut-être nous rappellerons-nous ou découvrirons-nous en rouvrant ces pages quelles étaient les aspirations tantôt farfelues, tantôt grotesques, tantôt magnifiques des hommes et des femmes qui auront posé les premières fondations du troisième millénaire. Il sera sûrement intéressant de constater quelles aspirations ont abouti, lesquelles ont échoué, quelles craintes se sont réalisées et lesquelles se sont dissipées, et de comprendre pourquoi.

Si tant est que nous n’ayons pas totalement perdu notre langue et que l’Unilog décrit par François Taillandier ne se soit pas imposé au monde, remplaçant la pensée par un mode de communication des plus simples et rapides. Car ce qui est sans doute le plus passionnant dans cette suite romanesque est, par-delà les intrigues amoureuses et familiales, la pensée que l’auteur articule autour de la langue, de son rôle historique et de sa dévaluation en simple outil de communication. Cette pensée qui s’élabore au cours des cinq romans forme le noyau de La Grande Intrigue, celui à partir duquel peuvent s’élaborer les théories de l’Option Paradis, de World V et de l’Unilog mais aussi autour duquel gravitent les personnages et leurs noms, leurs liens familiaux, leurs ascendants et leurs descendants. Tout, ou presque, se joue dans la langue semble dire François Taillandier. De son avenir dépendra celui du monde en général et de la France en particulier.

Time to turn vient donc clore La Grande Intrigue mieux que n’aurait fait le quatrième volet, Les romans vont où ils veulent, qui, publié au printemps dernier, nous avait un peu décontenancé par son écriture trop relâchée et une certaine déconstruction qui faisait craindre la ruine de tout l’édifice.
François Taillandier, heureusement, a assez d’expérience romanesque pour s’être relevé et avoir réussi à achever un projet dans lequel il s’était lancé avec beaucoup d’optimisme mais sans forcément savoir où il le mènerait.

Désormais, nous savons qu’aucune chute spectaculaire ne vient clore La Grande Intrigue qui, imitant la vie, se tait soudainement comme pour écouter continuer le monde.

François Taillandier, Les romans vont où ils veulent ; Time to turn, La Grande Intrigue IV et V, éditions Stock.

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